
Perspectives sur le mont Fuji
– EXTRAIT –
Le Shinkansen file à travers la campagne japonaise. Le paysage est une succession de toits vernissés colorés et de petits cubes de béton intercalés entre des rizières striées et des serres arrondies. Par endroits, une autoroute ou une rivière vient rompre cette trame géométrique. Le typhon passé la semaine dernière a laissé quelques stigmates : tas de gravats, toitures arrachées, ouvriers en gilet fluorescent s’affairant autour des maisons. Mon séjour au Japon doit durer sept semaines. Pour commencer, je me suis accordé une semaine d’acclimatation et de découverte loin du tumulte de la métropole, minutieusement préparée : réservations, itinéraire, randonnées. À l’aéroport de Narita, j’ai récupéré mon Japan Rail Pass. Une employée du train, de bon conseil, m’a suggéré de me rendre à Yokohama pour rallier Kyoto. Je resterai trois jours dans l’ancienne capitale, avant de partir marcher à travers les montagnes du centre de Honshu, puis de rejoindre la résidence artistique de Kawaguchiko, dans la préfecture de Yamanashi.
À Kyoto je réside à deux blocs du Palais impérial 京都御所. Enfin, je suis surtout à deux pas du parc qui entoure le palais. Situé au cœur de la ville, ce parc aux dimensions majestueuses couvre plus de cinquante hectares. L’allée principale mesure plus d’un kilomètre de long pour cinquante mètres de large et longe le grand côté où se trouve l’entrée du Gyoen, le palais. Mon premier dessin s’attache justement à traduire l’immensité de ces espaces si soigneusement entretenus où les visiteurs semblent être des fourmis.
Une voiture de police fait sa ronde dans l’immense allée qui longe la résidence impériale ; elle roule très lentement pour ne pas soulever la poussière. Des cailloux giclent sous les roues et claquent contre le bas de caisse. Elle finit par s’arrêter à une dizaine de mètres derrière moi. Une portière s’ouvre, un agent sort et s’approche en agitant ses mains gantées de blanc. Par une économie de sons, il me fait comprendre qu’il faut que je me déplace sur le côté de l’avenue.
Être assis au milieu du passage, aussi large soit-il, n’est pas envisageable. Une personne immobile fait obstacle à la circulation comme un rocher au milieu de la rivière. J’en refais l’expérience un peu plus tard dans l’enceinte du Palais Impérial. Une employée me demande de ne pas dessiner près d’une porte car j’empêche l’écoulement des visiteurs. « Take photos and sketch later ! ».
Carnet de voyage de Vincent Desplanche à découvrir dans le Bouts du monde 63
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