
Chercheurs d’or à Sumatra
– EXTRAIT –
C’est un vieil hippie allemand installé depuis plusieurs décennies à Sumatra et rencontré il y a quelques jours qui nous promet l’aventure dont nous rêvions. Un village reculé qui n’a surement pas vu beaucoup de touristes, une population qui ne parle pas anglais, une voie défoncée, un train qui ne ressemble pas à un train… et au bout du chemin : une mine d’or !
Nous sommes impatients à l’idée de rejoindre ce lieu isolé digne d’une chasse au trésor. L’histoire raconte que ce sont les Hollandais qui, pendant longtemps, dirigeaient cette mine d’or, coincée dans une forêt primaire au milieu de l’état de Bengkulu, l’un des états les plus isolés de Sumatra. La mine étant en permanence submergée par les eaux de la rivière, les conditions d’extraction y étaient difficiles et les Hollandais seraient alors partis, abandonnant la mine aux habitants qui l’exploitèrent dès lors de manière… artisanale. On avoue être un peu dubitatifs, n’ayant pas trouvé d’autres informations sur le sujet. Mais notre curiosité est plus forte et nous nous lançons dans cette expédition.
La route du Far West
Les transports dans cette région reculée de l’Indonésie sont déjà les prémices de cette odyssée. Nous grimpons dans un minibus, à la sono aussi forte que le bruit d’un avion au décollage. Nous avons peur de perdre en audition alors même que nos bouchons d’oreilles de fortune – un bout de mouchoir roulé, ont du mal à compenser les décibels. Mais à observer les autres passagers, il semblerait que nous soyons les seuls que cela contrarie. Une dizaine d’heures assis, à zigzaguer sur les routes de Sumatra, longeant parfois l’océan Indien et nous faufilant sur des kilomètres à travers les plantations de palmiers à huile et leurs énormes grappes, nous arrivons à la nuit tombée dans la petite ville de la côte sud de l’île sous une fine bruine. Nous nous attendions déjà à un avant-poste du Far West, alors nous ne cachons pas notre joie d’y trouver un peu d’activité, de vie et de lumière. Une mosquée, un marché, une grande rue et un losmen, petite auberge on ne peut plus propre. Parfait !
Posée sur un châssis corrodé en acier de seconde main, la caisse de ce petit transport précaire est un assemblage de planches de bois. Il mesure un bon gros mètre de large pour trois de long et les passagers sont installés sur trois dures banquettes en bois. Un moteur à essence fumant et pétaradant propulse poussivement l’engin sur des rails à l’écartement approximatif d’une soixantaine de centimètres. Voilà. C’est tout. Pas de fioriture
Nos bouchons d’oreilles retirés et nos affaires posées, nous partons en quête de renseignements, à savoir comment rejoindre le point zéro de notre carte au trésor. La réponse est unanime : il n’y a pas de bus. Il faut prendre un mobil – une camionnette exiguë qui livre les villages de l’intérieur des terres et qui ne part que lorsqu’il est plein. Il y a bien des mobils qui partent le matin à 7 heures ou 8 heures ou 9 heures… les horaires variant selon notre interlocuteur. Le flou des informations glanées depuis notre arrivée en Indonésie – notamment celles concernant les transports – justifie notre stratégie de demander l’avis à chaque personne que nous croisons. Briser la glace ne demande pas beaucoup d’efforts. Tous, du plus jeune au plus âgé, les mamies, les conducteurs de camions, les commerçants, nous remarquent en nous lançant des sourires, certes timides, mais décidés à nous répondre. Nous sommes toujours surpris des capacités de communication sans paroles, sans écrits. Un regard, un dessin, un geste, un mime… Sans anglais pour eux et avec nos bases rudimentaires de bahasa indonesia, nous utilisons ce merveilleux outil humain qu’est l’interprétation. Grâce à la force des sciences statistiques, nous en déduisons la meilleure probabilité pour l’horaire de départ du mobil le jour suivant. (…)
C’est finalement vers 11 heures que nous nous entassons dans une toute petite camionnette remplie de chips, œufs, sucre et poissons séchés, ainsi que de quelques passagers pour les trente-neuf kilomètres qui nous séparent de notre première destination. Ce mobil sert de camion de ravitaillement pour les trois échoppes des villages et après deux heures de piste boueuse et accidentée, longeant une mine de charbon à ciel ouvert, après avoir déchargé toutes les victuailles et les passagers à travers les différents hameaux, nous sommes enfin déposés à la « gare », faisant ainsi connaissance avec le molek !
Le train de la mine
Posée sur un châssis corrodé en acier de seconde main, la caisse de ce petit transport précaire est un assemblage de planches de bois. Il mesure un bon gros mètre de large pour trois de long et les passagers sont installés sur trois dures banquettes en bois. Un moteur à essence fumant et pétaradant propulse poussivement l’engin sur des rails à l’écartement approximatif d’une soixantaine de centimètres. Voilà. C’est tout. Pas de fioriture, pas de 3AC dans les luxueux trains indiens, de « couché-mou » comme en Chine, de 2nd Class, ici tout le monde est logé à la même enseigne. À l’époque des Hollandais, il y avait bien une vraie motrice diesel (plus tard, on nous montrera fièrement – et avec un brin de nostalgie, les plans d’avant-guerre) mais le manque de maintenance du matériel roulant et l’invasion de la forêt tropicale autour des voies a eu raison d’elle et c’est désormais seulement grâce à ce molek que nous pouvons nous rapprocher un peu plus de notre ultime objectif, situé à moins de quarante kilomètres – et pourtant plus de quatre heures de voyage.
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