Voyage en Chine : Chinois jouant au cerf-volant dans un parc

Promenade au parc

La Chine contemporaine n’est pas très propice à la contemplation. Alors Nicolas Jolivot a marché un peu à l’écart, dans les parcs urbains, où l’on vient danser, pratique le tai-chi-chuan, jouer au mah-jong ou bien promener ses oiseaux. Un havre de pais à l’abri de la cadence effrénée du pays.

– EXTRAIT –

Les villes chinoises ne sont pas spécialement réputées pour la quiétude de leurs centres-villes. Il reste cependant quelques quartiers anciens où les gros véhicules peinent à se faufiler, une poignée de hutongs à Pékin, où lon peut écouter par moment le bruissement du vent dans les feuilles des peupliers, et autant de lilongs, à Shanghai, où lon peut entendre ronfler des petits vieux assoupis sur un banc devant leur porte dentrée. Certains centres de mégapoles sont plus accueillants que dautres, à Guilin ou à Xian par exemple, mais dans lensemble, marcher sur les boulevards ou dans les avenues nest pas une sinécure. Cest pourquoi, quotidiennement, comme beaucoup dhabitants serrés dans leurs logements minuscules et harassés par le vacarme général, je vais faire un petit tour dans les jardins publics pour souffler.

Bien souvent, dès lentrée, jentends le son du violon traditionnel à deux cordes, le erhu. Le musicien est installé à labri dun pavillon au bord du lac ou au sommet dune butte artificielle qui fait office de montagne (shan). Ces kiosques portent généralement un nom très inspirant et fleuri. Le violoniste joue, cette-fois-ci, un air connu de Lune d’automne sur le palais des Han dans le kiosque du parfum de la neige et des nuages bénéfiques ou dans celui des trente-six canards mandarins.

Les musiciens pratiquent aussi des instruments plus récents. Dans le parc Taoranting, à Pékin, des accordéonistes du quartier se retrouvent pour suivre des cours et jouer ensemble chaque jour de temps clément.

Des humains aussi serrés que les fruits dune ombelle de fatsi semblent avaler les quatre joueurs de mah-jong penchés sur leur table en ciment. On ne plaisante pas avec le mah-jong. Jai vu en Chine quantité dactivités apparemment plus sérieuses, dans les administrations notamment, où les travailleurs faisaient preuve de beaucoup moins de concentration quun joueur poussant sa tuile.

En continuant lallée asphaltée, je croise un couple de personnes âgées déroulant avec lenteur et assurance les figures du tai-chi-chuan. Et quand lallée débouche sur une placette dallée, il nest pas rare dy voir un homme peindre au sol avec un gros pinceau trempé dans un seau deau. La technique du dishu est dune beauté sans nom. Chaque caractère dun poème est tracé sur une dalle et quand lartiste peint le dernier, le premier vient de s’évanouir en séchant. Le summum de lart éphémère !

Puis, près du pont (chaque parc possède un lac (shui), donc un pont), un groupe de voisins du même immeuble donnent à de longs rubans rouges des allures de dragons virevoltants grâce à de complexes mouvements du corps et des bras. Généralement, cest à ce moment que je minstalle sur un banc et sors le carnet de voyage de mon sac pour dessiner. Chacun son hobby…

Dans ce décor shan-shui de montagne et deau, il se trouve que cette dernière gèle pendant lhiver dans le Nord de la Chine. Je me suis donc essayé un jour à la pratique de la chaise glissante sur les lacs glacés, sur celui dun parc de Chengde en particulier. Cette discipline convient parfaitement à ceux qui, comme moi, ont conservé le souvenir cuisant de culbutes immédiates et douloureuses en chaussant des patins. Là, il suffisait de masseoir et de pousser avec deux tiges de métal. Javançais à la vitesse de la légendaire Tortue noire, symbole intéressant en pareil cas puisque cest celui de la longévité et de la persévérance, sous le regard amusé des habitués qui dégainaient leurs téléphones portables pour photographier la scène insolite : un touriste étranger cachant sa maladresse derrière un sourire niais.

La promenade dans le parc continue sous les cascades des branches de saules pleureurs. Jentends, venant de derrière un buisson de cotonéaster, les cliquettements du jianzi, une sorte de petit plumeau équipé de rondelles de métal que les joueurs se lancent avec les pieds. Encore plus loin, toujours à lombre mais dans le silence, des humains aussi serrés que les fruits dune ombelle de fatsi semblent avaler les quatre joueurs de mah-jong penchés sur leur table en ciment. On ne plaisante pas avec le mah-jong. Jai vu en Chine quantité dactivités apparemment plus sérieuses, dans les administrations notamment, où les travailleurs faisaient preuve de beaucoup moins de concentration quun joueur poussant sa tuile.

Carnet de voyage de Nicolas Jolivot à découvrir dans Bouts du monde Numéro 53