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Carnet de voyage - Vietnam

Comme dans un rêve

Ces rizières en terrasses, là, devant-elle ! C’est ici qu’elle voulait être. Carla Bernhardt a sillonné le Nord du Vietnam comme dans un rêve, croisant le chemin d’ethnies dont les costumes racontent beaucoup.

– EXTRAIT – 

Le ciel semble soudainement s’obscurcir, nous sentons les premières gouttes de la mousson et trouvons refuge dans une modeste maison en bois. La pluie s’intensifie, il y a de la terre au sol, des poules qui viennent se mettre à l’abri, du linge qui semble vouloir sécher, quelques outils en bois pour tailler les baguettes en bambou, une dame qui fait un feu et égrène du maïs pour ses animaux. 

La pluie ne cesse de tomber, hommes et femmes reviennent sous cette pluie battante de la forêt de bambous et des rizières. 

Je reste debout sous la pluie pour suivre du regard cette énergie qu’ils transportent avec eux. C’est inspirant, l’ambiance si particulière l’est aussi.

Ces petites filles sourient, s’amusent et rient en nous observant. Elles mangent des longanes, un fruit rond s’apparentant au litchi, et nous en offrent une grappe que nous partageons délicieusement avec elles. Le contact s’établit doucement, et avec la délicatesse du sourire, toute la famille s’amuse devant l’objectif. 

La grand-mère est accueillante et soignée, assise au milieu d’épis de maïs qu’elle égrène pour ses bêtes. Ses mains ont toujours fait ça, la rugosité de sa peau raconte des années d’histoire, une vie dure mais aussi de la douceur

La grand-mère est accueillante et soignée, assise au milieu d’épis de maïs qu’elle égrène pour ses bêtes. Ses mains ont toujours fait ça, la rugosité de sa peau raconte des années d’histoire, une vie dure mais aussi de la douceur, celle que l’on retrouve dans ce regard qui sourit, que je n’oublierai pas. Elle ajuste même son collier et sourit timidement pour la photo. Tous ensemble nous nous installons autour de sa récolte et remplissons de grains de maïs les paniers en apprenant sa technique. 

Nul besoin de parler la même langue pour se comprendre, il y a les regards, les gestes et les sourires, celui-là est universel et d’une intense richesse et générosité. C’est certainement le plus beau des échanges, celui que l’on garde au fond de soi et qui rend différent.

De Lim Mong à Lim Thai 

À pied, nous empruntons un chemin qui s’enfonce dans une vallée, croisons cette dame incroyable qui plie sous le poids de la récolte qu’elle porte sur son dos. Elle est souriante, touche le bras pour établir le contact et nous signifie du regard sa joie de nous rencontrer, certainement autant que nous. 

Passé quelques habitations et me voilà face à ce point de vue incroyable sur les rizières en terrasses. L’émotion me gagne, je crois que c’est ici que je voulais venir, mais le sait-on avant d’y être ? À ce moment-là j’en ai la certitude… 

Ces hauts plateaux, aux frontières de la Chine et du Laos, sont peuplés depuis des milliers d’années, l’altitude délimitant bien souvent les zones choisies pour s’établir. Certains cherchaient la proximité de l’eau, d’autres souhaitaient s’isoler davantage et s’enfonçaient dans les montagnes, à plusieurs heures de marche. Leurs habitations et l’organisation de la vie quotidienne sont rythmées par les saisons et les cultures.

Les H’mong, émigrés de Chine au XIXe siècle, sont environ un million aujourd’hui. H’mong, à l’origine un peuple nomade, signifie « libre ». Animistes et vénérant les esprits, ils vivent en altitude et cultivent riz et plantes médicinales, et élèvent du bétail. Les H’mong noirs se reconnaissent à leurs vêtements sombres, teints à l’indigo. Leurs mains sont souvent noircies par les teintures qu’elles font elles-mêmes. Elles réalisent les batiks qui seront ensuite cousus sur les vêtements. Très jeunes elles apprennent cette technique et s’exercent pendant leur temps libre. Sur un rouleau de chanvre, elles dessinent des formes géométriques, abstraites, végétales, avec un stylet en bambou et un mélange de cire et d’encre. Elles se retrouvent sous un porche de maison, chacune penchée sur son ouvrage et travaillent tout en s’échangeant leurs histoires comme le font toutes les jeunes filles. Ces batiks sont réalisés avec beaucoup de précision. Patience, délicatesse et dextérité sont perceptibles dans chacun des gestes, jusque dans le regard de ces femmes.

Nous avançons dans ce paysage verdoyant dont l’immensité est à peine palpable, des femmes aux tenues colorées s’affairent au loin… leur travail est difficile, elles « construisent » un chemin, creusent, portent des sacs de gravats et rient. Intimidés, nous passons sur le chantier, cette proximité se transforme en moment de partage et de jeu… Se pose encore cette question, récurrente… à quel moment devenons-nous à notre tour une minorité ? 

Carnet de voyage de Carla Bernhardt à découvrir dans le Numéro 64

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