
Flâner dans les estampes
– EXTRAIT –
Lorsque j’ai décidé de partir au Japon, j’ai feuilleté le carnet de Stefano Faravelli Giappone. Le sous-titre de l’ouvrage Taccuini dal mondo fluttuante résonnait avec les accents fleuris du maître. Quel était ce monde flottant ? Comment capter l’éphémère ? Quel itinéraire emprunter de la vision à ma main qui dessine ou peint, si maladroite à côté de celles des virtuoses ? Le Japon fut mille fois interprété : du rose des fleurs de cerisiers au fauve des érables l’automne, en passant par le rouge shinto, les sanctuaires, les temples et pagodes, les brumes et les silhouettes de paysans portant paniers, les belles en kimono, les vagues et l’ultra-modernité, l’art culinaire et j’en passe.
Est-il obligatoire de tout comprendre ? Je me suis laissée flotter avec cette prégnante impression de relativité, accentuée par ma non-connaissance absolue de la langue qui m’a mise dans un doux état d’apesanteur et réduite à l’état de Candide, gesticulant pour se faire comprendre. Que savais-je du Japon ? Avec qui allais-je partir ? Quels fantômes
m’accompagneraient au pays des Yukaï ? Un bric-à-brac fait de films et de littérature, d’estampes et d’animés : la lenteur et l’intimité des films d’Ozu que l’on retrouve chez Kore Eda, le réalisme magique de Yasunari Kawabata, de Haruki Murakami , les chats témoins et narrateurs, les mets enchantés qui ramènent l’amour, tissent des liens, l’univers fantasmagorique de Hayao Miyazaki et bien sûr le « vieil homme fou de peinture », Hokusai.
Parce que nous avons évité les mégalopoles et cheminé dans une partie du « Japon de l’envers », peut-être était-il plus aisé d’approcher un peu de la quintessence de la culture japonaise.
Le voyage n’est pas qu’un déplacement géographique, il commence bien avant et se poursuit bien après par la puissance de l’imaginaire, tout cela partira avec moi et remontera à chaque étape, teintant la réalité des nuances de la fiction ou l’inverse.
Parce que nous avons évité les mégalopoles et cheminé dans une partie du « Japon de l’envers », peut-être était-il plus aisé d’approcher un peu de la quintessence de la culture japonaise.
Impressions premières
Tout à l’envers (mais l’envers de quoi ?). La conduite : à droite toute ! Dans les stations-services, des carburants qui tombent du ciel et des pompistes qui vous servent, vous guident, vous sourient. Des livres qui s’ouvrent par la fin. Une écriture mêlant kanji, hiragana, katakana (de haut en bas ? de gauche à droite ou l’inverse ?)
Des distributeurs de boissons partout, même au milieu de rien. Des kombini ouverts jour et nuit et multiservices. Des plaques d’égouts comme des œuvres d’art. Des choses pour ancrer « le monde flottant » : par exemple, parmi les très nombreuses instructions délivrées partout, celle posée sur un lavabo précisant « ne pas monter dessus », celui-ci étant destiné « au lavage des mains, du visage et des dents ! ». Des commodités en réponse à toutes vos questions, même à celles que vous ne vous posez pas. Ainsi au Japon, on trouve des toilettes partout, impeccables et de bon goût. Wim Wenders en fait le théâtre de son film Perfect day. Quand vous rentrez en ces lieux, c’est la NASA : siège chauffé, tableau de bord qui vous offre d’infinies possibilités, jets simpless ou double, en bruine ou direct, à température réglable, musique d’ambiance. J’avoue que la première fois, je n’en menais pas large, craignant le bug informatique ! Au-delà de ces quelques détails déstabilisants mais auxquels on s’adapte avec délice, les découvertes se succèdent avec bonheur.
Carnet de voyage de Caroline Amblard à découvrir dans le Bouts du monde 63
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