Carnet de voyage - Grèce

L’enfance des héros

Des citations d’écrivains rassemblés sur un carnet en Moleskine fourniraient le plus précieux des viatiques à Julien Marrot. Avec sa femme et ses trois enfants, il est allé jusqu’en Grèce via les Balkans à la découverte d’un monde neuf peuplé d’histoires mythologiques qui serait, cinq mois durant, la plus absorbante des occupations

– EXTRAIT – 

Je ne me rappelle plus précisément de l’instant où nous avons quitté la maison pour de bon. Je crois que mon esprit était trop accaparé par les préoccupations en foule du sédentaire qui abandonne son lieu de vie, d’habitudes, de sécurité. N’y a-t-il pas de taque restée allumée ? Les portes sont-elles bien toutes fermées ? Avons-nous débranché le chauffe-eau ? Ces interrogations, que l’on s’est efforcé de rendre vaines en vérifiant tout avant de partir, s’insinuent malgré soi et viennent occuper toute la place. Cependant, la voiture poursuit son chemin et emmène nos pensées, tirant sur nos inquiétudes comme sur autant de câbles qui la relient au domicile.

Il a suffi d’un virage ou deux, à peine, pour s’arracher à nos soucis. Nous sommes partis, n’y pensons plus. Le sédentaire s’inquiète pour ses possessions, il se retourne toujours, alors que le nomade s’interroge sur sa destination future

Il a suffi d’un virage ou deux, à peine, pour s’arracher à nos soucis. Nous sommes partis, n’y pensons plus. Le sédentaire s’inquiète pour ses possessions, il se retourne toujours, alors que le nomade s’interroge sur sa destination future. Durant cinq mois, nous ne nous soucierons plus de ce que nous laissons derrière nous mais de ce que nous trouverons devant nous. Premier bénéfice du départ : nous étions rendus au moment.

Mon premier souvenir du voyage, c’est donc quelques minutes après le départ. Il s’agit d’un souvenir net, éclatant, un souvenir en 8 mm, en légère surexposition. Je me retourne vers les trois enfants, assis sur la banquette arrière et je les prends en photo. Ils rient, chantent. Ils sont débordants d’enthousiasme. Nous sommes sur une route que je prends tous les jours mais aujourd’hui, ce n’est plus la route du quotidien, c’est la route du départ.

« L’Orient quoi ! » Lettre de Thierry Vernet à son ami Nicolas Bouvier

Nous sommes partis en juillet 2022, mon épouse, nos trois enfants et moi. Nous avons traversé le Luxembourg, l’Allemagne, l’Autriche, la Slovénie, la Croatie, le Monténégro et l’Albanie en un mois et demi. Nous avons vécu près de trois mois en Grèce avant de faire la traversée vers l’Italie du Sud, où nous sommes restés un mois avant de rentrer par la France durant le mois de décembre.

Dès le départ, nous sommes partis avec l’intention de faire plus que du tourisme. Nos objectifs étaient de vivre en plein air, de faire famille et de s’imprégner d’autres langages et d’autres cultures. En prévision du départ, j’avais collecté de nombreuses citations, rencontrées dans mes romans favoris et patiemment retranscrites dans un cahier Moleskine. Il s’agissait de mon viatique. J’avais prévu de relire ces phrases qui me paraissaient évidentes mais qui n’avaient pas encore rencontré mes expériences.

J’emportais avec moi, entre autres, le récit de voyage de Nicolas Bouvier, L’usage du monde, dans l’avant-propos duquel je lisais : « On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. » C’est seulement aujourd’hui que je comprends toute la malice de cette précision. Le voyage est une façon de retrancher bien plus que d’additionner. « Et dans ce cœur moins solide, ajoute Albert Camus, la musique du monde entre plus aisément. »

C’est bien ainsi, fragile et étourdi d’une légère ivresse, que je roulais, certains matins à Santorin, dans des paysages inondés de soleil, en écoutant des sons inconnus à la radio. Tout était à voir à nouveau.

Carnet de voyage en Grèce de Julien Marot à découvrir dans le Numéro 62

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