Nicolas Darricau - littoral France - Bray-Dunes - Carnet de voyage
Carnet de voyage - France

Marcher au bord de la France

Nicolas Darricau est parti la fleur au fusil un jour du mois d’août 2021 depuis la mer de Nord. Longer le littoral français de la Belgique à l’Espagne pour l’habitué des courses en montagnes ne serait qu’une promenade de santé. Un doute subsistait quand même à l’heure de s’élancer depuis Bray-Dunes : tous les relevés indiquaient une escapade de quatre mille kilomètres. Mais comment cela était-il possible ?

– EXTRAIT –

Le déclic

Juillet 2021 : encore une allocution du Président et toujours la même rengaine… Cette histoire ne finira-t-elle donc jamais ? La plume sanitaire de nos auteurs contemporains me devient de moins en moins supportable… Comment en écrire une autre ? Un bureau, une feuille de papier et un stylo ? Oh que non ! L’enfermement introspectif pendant des semaines, trop peu pour moi. Fin août, je reprendrai la route ! Et elle sera… salée.

Le littoral ouest de notre si merveilleux pays n’a que deux frontières terrestres : au nord avec la Belgique et au sud avec l’Espagne. Mais c’est finalement une troisième, aquatique, mouvante, infinie, qui guidera mon avancée. La mer du Nord, la Manche, l’Atlantique, une paire de chaussures, un sac, une tente, un appareil photo et un horizon comme seuls compagnons de voyage. De Bray-Dunes à Hendaye, le défi s’annonce de taille : environ 4 000 kilomètres de côtes à longer et une ambition « Jules Vernesque »… Il a fallu quatre-vingts jours à Phileas Fogg pour faire le tour du monde, il m’en faudra au maximum autant pour en parcourir un petit morceau à pied. Un petit bout du monde si près et pourtant si loin… Et si les plus belles aventures étaient finalement celles au pas de nos portes ? Possible…

D’après mes calculs, environ 4 000 kilomètres. Comment est-ce possible ? J’ai beau tourner le problème et les cartes dans tous les sens, cette distance me paraît largement surévaluée. J’allais vite comprendre que non…

Pour le parcours, rien de bien compliqué : les sentiers côtiers bien connus de la communauté des randonneurs. Sentier des Falaises, tour du Cotentin, sentier des douaniers… Le balisage rouge et blanc sera de mise. Sauf quand il s’éloignera un peu trop de la laisse de mer à mon goût. D’après mes calculs, environ 4 000 kilomètres. Comment est-ce possible ? J’ai beau tourner le problème et les cartes dans tous les sens, cette distance me paraît largement surévaluée. J’allais vite comprendre que non… Le ratio distance/dénivelé m’impressionne cependant beaucoup moins : le montagnard que je suis devenu au fil des ans va les engloutir ces kilomètres de plage ! À moins que… Si, à chacun de mes pas, mes semelles viennent s’enfoncer de quelques millimètres dans des milliards de petits grains minéraux soigneusement polis par le travail méthodique de l’eau et du temps… Mes dizaines de milliers de foulées dans le sable ressembleront peut-être à de l’alpinisme ? Les mouettes remplaceront les aigles et les crabes les marmottes…

Devant la tâche à accomplir, la meilleure décision à prendre serait de préparer minutieusement ce tracé étape par étape. Mais quel ennui… Place à l’improvisation ! Je m’astreindrai uniquement à quelques règles de base très simples : marcher quotidiennement entre 50 et 60 kilomètres (dix à quinze heures de randonnée selon la forme du jour), prendre une demi-journée de repos par semaine, et trouver les lieux de couchage « inspirants ».

L’Homme est un animal qui a dû son salut pendant des millénaires à sa faculté à se déplacer plus longtemps que ses proies et à ses incroyables capacités d’adaptation. Alors ces 4 000 kilomètres de « balade » au niveau de la mer, je n’allais pas en faire toute une montagne.

Nous sommes le 26 août 2021 et me voilà enfin arrivé à Bray-Dunes à la tombée de la nuit. Il m’aura fallu moins d’une journée mécanisée sur le rail (et une vingtaine de kilomètres à pied en guise d’échauffement) pour atteindre le « Grand Nord » hexagonal. Aujourd’hui la vitesse est tout : un dû, un devoir, un vœu. La lenteur en devient luxueuse de rareté. Demain mon grand pèlerinage va démarrer… Quel plaisir d’être riche des paisibles semaines qui m’attendent !

Carnet de voyage de Nicolas Darricau à découvrir dans Bouts du monde 55

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