Voyage au pays des neiges
Après, presque engourdie, j’ai filé comme un automate pour récupérer le sac à dos puis faire tout ce qu’on fait toujours dans un aéroport : donner ses papiers, laisser les douaniers vérifier, puis passer son sac aux rayons x. Et tout d’un coup, puisque c’est obligatoire au Tibet, nous nous sommes retrouvés avec notre pseudo groupe dans un van. Le groupe, toujours le groupe. Pour arriver à Lhassa depuis Chengdu, il faut un groupe même s’il se dissipe après. Ce sont les Chinois qui nous l’expliquent. Ensuite pour faire simple, on descend au Yak quelque chose. Là, la tête tourne, on marche au ralenti ; pas faim, soif. Tout se fait lentement !
Vers 18 heures, le pas hésitant, un tour dans le vieux Lhassa s’impose à nous comme urgence. C’est là un flot d’hommes, de femmes, et d’enfants qui déferle. La marche est sûre et décidée. Ce sont des gens habités que je vois là. La souffrance, la lutte et les privations qui marquent leurs visages n’ont pas eu raison d’eux. Voilà : ils sont arrivés. Leur coeur est plein. Et je souris devant ces pèlerins si heureux, que leur bonheur se partage dans un indicible regard échangé. Nous sommes là, et puis comme si c’était normal nous prenons part à cette sorte de fête et tournons autour du Jokhang, dans une danse sacrée. Nous rions avec la naïveté des enfants qui ont rencontré de nouveaux amis. C’est du Kham, de l’Amdo et de la région autonome du Tibet, que viennent toutes ces jambes fatiguées par les kilomètres avalés. Les nomades sont si dignes, je les observe longtemps. Mes yeux regardent leur grâce et je prends conscience du chemin parcouru. Il y a ce garçon – le front blessé à force de se prosterner – à qui les pèlerins donnent un billet pour ses offrandes. Plus loin, une petite famille se tient la main en signe de joie. Ils sont tous là en quête de la même paix.
Les deux mamies avec lesquelles je marche maintenant depuis quelques minutes, ont réalisé leur rêve. L’une est aveugle, l’autre claudique un peu, mais elles semblent toutes deux glisser sur des nuages. A plus de 80 ans, leur « Om mani pedme hum » sonne comme un cri : un espoir que le Dalai Lama un jour reviendra. C’est peut-être pour tout ça qu’on va au Tibet, sans le savoir. La magnificence des lieux ne suffit pas à l’invitation. Le peuple tibétain, sans y prendre garde, nous envoûte un peu de sa magie, de sa force et de son courage.
Carnet de voyage de Géraldine Kalt à découvrir dans Numéro 4
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