Seule, aucun visiteur au Musée de la Poste là-bas à Saint-Louis, uniquement la silhouette en carton et grandeur nature de Saint-Ex qui ne me quitte pas des yeux, moi non plus d’ailleurs. Un AVION c’est un Appareil Volant Imitant Oiseau Naturel. Je ne connais rien aux avions, j’essaie de les comprendre, je les aime déjà. Exhumées des tiroirs comme le trésor d’un vieux navire englouti, les liasses des plans du mythique avion Latécoère 28 sont des pépites auxquelles j’ai le privilège d’avoir accès. « Le Laté 28, c’est l’Hermione du ciel ! » m’avait dit Fred au téléphone. Le décor était planté, mon sang n’avait fait qu’un tour, un tour d’hélice bien sûr. Fred est pilote privé, instructeur de vol, technicien sur la maintenance du géant 777 d’Air France, et Président du Cercle des Machines Volantes.
Impossible de décrire ce que j’ai ressenti en entrant dans les hangars de la base, difficile de me concentrer devant tant de poésie, mais il le faut. Je suis là parce que Fred a décidé de reconstruire le Laté 28, fabrication à l’identique dans les mêmes matériaux, avec récupération de pièces d’origine. Seul le collage sera différent, la colle d’époque ne tenait pas à cause de l’hygrométrie. La première série de nervures du mythique Latécoère 28 est terminée, 3 mètres pour les plus grandes, le gabarit des nervures est à lui seul une œuvre d’art. Le Laté 28 a une envergure de 19,25m, l’hélice un diamètre de 4,03m. Joli petit oiseau ! « Le courrier doit passer ! » En mai 1930 le légendaire Laté 28, dans sa version hydravion, a réalisé pour la première fois toute la ligne avec la traversée de l’Atlantique : Toulouse/Afrique/Amérique du Sud, piloté par Jean Mermoz, le fuselage gavé de lettres.
« S’il y a un avion majeur dans la période d’entre deux guerres, c’est le Laté 28 » me dit Fred. « Faire une réplique ne m’intéresse pas ! ».
Et là il me cite Paul Valéry « Que de choses il faut ignorer pour agir ! »