Vivi Navarro

Vivi Navarro

Auteur publié dans Numéro 52 Numéro 47 Numéro 32

L’or bleu est ma sève, la moelle secrète de ma vie. Travailler embarquée : c’est me couper du monde des terriens, et j’aime ça. Mon métier est peintre-carnettiste. Mon signe astrologique, sirène ascendant crevette. Piquée par la Mer, ses vaisseaux, ses équipages, je suis établie à Sète, mon port d’attache, la ville de mes racines. Je travaille embarquée depuis plus 10 ans. Carnet, ordinateur et table graphique, Nikon, encres grasses, pigments, papiers, forment l’ensemble du merdier prioritaire dans la besace atelier. Chercheuse désinvolte, je varie les outils, multiplie les techniques. Diplômée d’illustration scientifique (savoir dessiner un écorché de rascasse au microscope électronique) et technique (savoir poser un éclaté de moteur, à l’aérographe ou au trait anglais) ça aide à la désinvolture, à l’audace technique.
Et j’écris avec rigueur et passion… Les mots, mes amours ! Mais le plus important dans tout ça : mon travail n’est finalement qu’un doux prétexte à parler des marins que j’aime et respecte profondément. A bord l’échange avec les équipages, marchands ou guerriers, est riche, dans le partage et le respect, la complicité silencieuse. Consciente de mon privilège, on s’apprivoise lentement, et on finit par tisser les liens d’amitiés indéfectibles. Tout ce que je fais est pour eux, avec eux, pour parler d’eux, ceux qui vont sur la Mer, ni vivants, ni morts. Mon travail est dédié. La mer couvre ses hommes de mystère et de profondeur, leurs yeux de silence et de gravité. Les marins ont en eux une force indicible que n’ont pas les terriens, je les reconnais autant que je les aime. Pour un peu je me serais prise pour l’un d’eux !