
Pierre-Antoine Guillotel
C’est à 26 ans que je pris les rênes de mon existence. Diplômé de l’École d’économie de Paris, je courais après des algorithmes censés anticiper les mouvements financiers du monde. Aujourd’hui, je succombe aux endroits qui les ignorent.
J’arpente du pied les recoins terrestres les plus sauvages et couche le présent dans des carnets de voyage. Une chute précipita ce pas de côté. Une chute qui m’immobilisa deux mois dans un fauteuil roulant sur les trottoirs de Sydney. Le corps en angle droit, c’est l’explosion lente et silencieuse d’un cheminement intérieur qui me rendît à moi-même. Conscient de la fragilité de l’existence.
De retour en France, je quittai illico la recherche en économie pour me jeter dans le grand spectacle de la vie. Celui de l’aventure septentrionale, de la contemplation et des mots. J’eus l’impression de rendre à mon corps et à mon esprit ce qu’ils réclamaient depuis longtemps : une surface pour s’exprimer librement.
Dès lors, ma résidence sur Terre prit sens. Je voulus rendre hommage à la nature sauvage, c’est-à-dire désertée par l’Homme, en la parcourant le plus lentement possible. À pied, sans artifice, en bipède élémentaire. Ainsi naquit ma première expédition en solitaire : un périple de 3000 km aux quatre coins de l’Islande.
144 jours de marche, de solitude sous les latitudes du cercle polaire, en plein hiver. Après avoir bourlingué une décennie dans la « cage des méridiens », c’est vers les immensités glacées du Grand Nord que l’instinct me porte aujourd’hui.