Dessin de la ville et de ses habitants réalisé durant un voyage en Chine
Carnet de voyage - Chine

Chimères chinoises

Pourquoi tombe-t-on amoureux d’un pays, d’une culture ? Dans le cas de Rosemary Taleb, c’est à cause d’une diapo d’art chinois projetée dans un amphithéâtre de l’École du Louvre. Pour entretenir cette passion naissante, la dessinatrice n’a pas voulu se contenter d’une entrevue. Sur ses carnets, il ne manquait plus que l’odeur de la Chine.

– EXTRAIT – 

Dans l’amphithéâtre Rohan, mes camarades souriaient souvent à me voir ébahie devant chaque nouvelle diapo de madame Journet Nguyen. Il m’est difficile de cibler ce qui, dans cet art chinois, m’a séduite en premier lieu. Était-ce la technicité minutieuse du travail des bronzes antiques se retrouvant dans la complexité des porcelaines des dynasties plus tardives ? Ou bien ai-je été d’abord fascinée par l’aspect mystique de ces œuvres antiques, puis bouddhiques, confucéennes et taoïstes ? La connexion s’est-elle faite grâce à la subtilité poétique de l’art des lettrés chinois ? Le fait est qu’à la fin de ma première année au Louvre je n’avais qu’une envie : partir découvrir cette Chine que je percevais à travers le prisme de l’exotisme, un point de vue qui me posait problème et que je souhaitais contrecarrer par une réelle expérience immersive.

Arrivée dans la grande ville de Kunming sans parler mandarin, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là, et le courage que j’avais eu l’impression d’avoir à l’aéroport m’avait un peu laissée tomber.

Le 13 juin 2013, pour mes 18 ans, je pars rejoindre mon ami de l’époque à Guangzhou (Canton) pour deux semaines durant lesquelles on visite Yangshuo et ses montagnes en pain de sucre, Hong Kong et ses rues éclairées au néon, Beijing, ses hutong et la Grande Muraille. Moi qui pensais qu’un voyage en Chine m’en rapprocherait, c’est tout l’inverse qui s’est produit, je ne me suis jamais sentie aussi éloignée d’un mode de vie que pendant cette première expérience. Et c’est précisément cela qui m’a séduite. Cette distance, imposée par les coutumes et la langue notamment, m’a appris à cultiver cet attrait pour l’autre, à accepter d’être un œil extérieur tout en gardant une posture ouverte pour comprendre sa réalité. Mes cours d’histoire de l’art m’avaient laissée penser que je « connaissais » la culture chinoise, mais à trop miser sur la théorie, j’avais négligé l’essentiel caché derrière ces dragons chimériques : un peuple, des peuples, des individus. Après cette rapide entrevue, j’ai donc voulu retourner seule à leur rencontre.

En 2016 je passe le mois de février à vadrouiller dans le Yunnan, le Sichuan, le Hunan et repars de Shanghai. Ce premier voyage solitaire commençait avec un fort sentiment de détresse. Arrivée dans la grande ville de Kunming sans parler mandarin, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là, et le courage que j’avais eu l’impression d’avoir à l’aéroport m’avait un peu laissée tomber.
Le quatrième jour, après avoir vu ce que mon Routard recommandait, j’errais dans la ville sans trop savoir ce que je cherchais, quand, au détour de la rue Baita, que j’allais très vite noter sur mon plan papier de la ville, je tombe sur un temple taoïste. Alors qu’un jeune moine en train de balayer me salue en serrant son poing dans sa paume, je discerne des sons stridents venant de la porte ronde derrière lui.

Carnet de voyage de Rosemary Taleb à découvrir dans la revue Bouts du monde Numéro 53

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