Carnet de voyage - États-Unis

L’Amérique du bord des routes

Amélie et Marion Laurin sont sœurs. Un jour, elles ont entrepris d’inquiéter leurs parents et de faire un peu d’auto-stop. Tracer l’itinéraire a été facile : elles ont déplié une carte, l’une a posé son doigt sur la Patagonie, l’autre sur l’Alaska. Il a fallu 646 jours et 80 000 km de détours pour rejoindre ces deux caps géographiques. En arrivant aux Etats-Unis, elles ont découvert l’autre Amérique, où attendre une voiture sur le bord d’une route est une drôle d’idée.

Tijuana – 26 janvier 2012 – jour 486 – 56 270 kilomètres. Jamais pendant ce voyage, nous n’avons franchi de frontière si contrastée. Après 16 mois à parcourir 17 pays d’Amérique latine en stop, en voici une nouvelle. De l’autre côté de cette ligne imaginée par l’Homme – et concrétisée par un mur de ferraille rouillée -, les États-Unis. C’est une autre Amérique.

Quelques jours à San Diego et à Los Angeles nous suffisent à faire le plein d’ordre, de modernité, de fashion. Nous sommes vraiment attirées vers l’intérieur des terres et les grands espaces américains. En stop, on ne sait jamais vraiment où on va tomber le soir venu. Là, c’est Newberry Springs. A 130 miles à l’est de Los Angeles, la petite ville, décor du film Bagdad Café, ne fait plus rêver personne.

L’employé d’une station-service déprimante au bord de l’Interstate 40 nous suggère de camper derrière la boutique. La parcelle de bitume lugubre proche des stationnements de camions, sans lumière et par une température hivernale, ne nous enthousiasme pas vraiment. Le seul camion présent pourrait peut-être nous sortir d’ici. L’homme au volant est justement en route vers l’est. Nous sommes sur le point de monter lorsqu’il nous fait un clin d’œil en se léchant les lèvres. Nous faisons les femmes fortes et décidées, éclaircissons tout de suite les choses. Nous ne partirons pas avec lui.

Au pire, passer la nuit ici ne nous fait pas peur. On a toujours su, avec plus ou moins de brio, se débrouiller. Choisir ce type de voyage, c’est aussi accepter le regard des autres. Celui des gens qui se disent que ce que l’on fait est parfaitement inconscient, le regard de ceux qui se demandent ce que l’on peut bien faire là et, souvent, le regard pervers de ceux qui pensent que nous sommes des proies faciles.

Un homme entre dans la boutique. Lui a l’air sympa. Il ne le sait pas encore, mais on va dormir chez lui ce soir. Dès qu’il ressort de la boutique, Marion part à la charge sans détour.

« Salut ! T’as un jardin ? On pourrait y camper ce soir ! »

© Carnet de voyage de Marion et Amélie Laurin à découvrir dans Bouts du monde n°27

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