
Le rythme de l’Altaï
– EXTRAIT –
Après deux avions et douze heures de vol, nous y voilà enfin : Oulan-Bator, capitale énigmatique de la Mongolie. Dès l’atterrissage, cette ville fascinante nous plonge dans une atmosphère unique. Les immeubles d’architectures variées se mêlent, formant un patchwork où l’ancien flirte avec le moderne. Les rues grouillent de véhicules qui s’entrelacent dans une danse chaotique, évoquant le désordre méditerranéen, mais avec une fluidité inattendue. Partout, des statues rendent hommage aux grandes figures de l’histoire mongole, nous rappelant leur empreinte indélébile. La célèbre place Gengis-Khan et son imposant parlement attirent une foule dense, composée de jeunes gens venus se photographier devant les symboles de la ville. Notre périple commence par la visite d’un monastère bouddhiste, où le temps semble suspendu. Les couleurs éclatantes – rouge, jaune, orange – enveloppent l’endroit d’une énergie vibrante. Les chants de prières résonnent, apaisants, pénétrant jusqu’à l’âme. Les moines, avec leur sérénité et leur joie de vivre, m’invitent à célébrer l’instant présent. Je me sens déjà voyager, non seulement à travers ce pays mystique, mais aussi en moi-même.
Nous prenons un vol pour Ulgii, une terre sauvage et reculée. À l’aéroport, une famille kazakhe nous accueille avec un sourire chaleureux et une hospitalité rare. Le père de famille, digne et bienveillant, nous invite à partager une collation ou plutôt un festin. Avant de pénétrer dans leur maison, il nous demande de retirer nos chaussures et nous guide pour nous laver les mains. Dans notre enthousiasme, mon collègue laisse l’eau couler plus longtemps que nécessaire. Immédiatement, notre hôte renvoie le robinet d’un geste vif et nous fixe de ses yeux perçants, d’un bleu translucide, qui semblent sonder nos âmes. À cet instant, je comprends : ici, chaque goutte d’eau est précieuse, presque sacrée. Nous avons manqué de discernement, et je ressens à la fois de la honte et une profonde leçon d’humilité. Je crois que cette expérience sera gravée en moi.
Les premières montagnes se font encore attendre, mais l’horizon promet des merveilles. Je sais que ce voyage ne sera pas une simple course contre le temps : c’est un processus, lent et délicieux, à savourer comme un plat mijoté avec soin.
Le lendemain, l’aventure commence véritablement avec la préparation des véhicules. Je fais connaissance avec nos deux fidèles compagnons de route : un robuste 4×4 Mitsubishi et un UAZ, ce légendaire véhicule russe produit depuis 1965. Ce dernier est une véritable icône dans ces contrées. Pratique, capable de franchir les terrains les plus hostiles, il a surtout l’avantage inestimable de pouvoir être réparé facilement – pour peu qu’on ait des notions de mécanique. Les Kazakhs disent souvent que tout passe, même si parfois il faut bricoler un peu après.
Lorsque nous prenons enfin la route en fin de matinée, l’excitation monte.
Les premières montagnes se font encore attendre, mais l’horizon promet des merveilles. Je sais que ce voyage ne sera pas une simple course contre le temps : c’est un processus, lent et délicieux, à savourer comme un plat mijoté avec soin. Chaque kilomètre avalé me rapproche d’un monde inconnu, et je suis prêt à m’y plonger, corps et âme.
Carnet de voyage de Stéphane Sebastiani, à découvrir dans le Bouts du monde 63
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