Description
Ceux qui ont conservé dans leur grenier un exemplaire du National Geographic de 1971 possèdent un petit trésor. Sur ses pages sûrement écornées, sans doute un peu jaunies, figure un reportage qui fera vagabonder des générations de voyageurs pendant plusieurs décennies : les photographies de Roland et Sabrina Michaud, qui ont accompagné au cœur de l’hiver les dernières caravanes de Tartarie dans le corridor du Wakhan, cette étroite bande de terre dessinée sur une carte pour séparer les empires russe et britannique. Près de cinquante ans plus tard, je me souviens avoir entendu Roland Michaud, avec un enthousiasme intact, décrire le pas hésitant des chameaux de Bactriane sur les rivières gelées. Avec l’envie chevillée au corps de transmettre, de fixer sur le papier tous les détails de cette folle expédition. Nous publions de nouveau aujourd’hui ces photographies, accompagnées d’un contrechamp inédit : les mots de Roland et Sabrina Michaud.
Un demi-siècle plus tard, Kares Le Roy s’avance comme l’héritier du travail des époux Michaud. Ses photos de buzkachi(Bouts du monde n° 9) ou de chasseurs aigliers (Bouts du monden° 26) évoquent sans nul doute leurs Kodachromes. Quand il n’est pas chez lui à Paris, ce photographe arpente le monde, avec un intérêt affirmé pour l’Asie centrale où il documente le quotidien des peuples nomades. Lui aussi s’est enfoncé dans ce fameux corridor du Wakhan en Afghanistan, devenant nomade à son tour pour s’immerger au plus près d’un mode de vie tribal, à qui l’époque promet une disparition certaine. Mais « tuer le nomade, c’est tuer la part de rêve où toute la société va puiser son besoin de renouveau », cite Kares Le Roy, en préface de son livre Ashayer(Éditions Amu Darya). Ou sa capacité à s’adapter.
C’est le sens du voyage de Pauline Mignola & Aimée Bouchet, parties dans les steppes de Mongolie. Dans le cadre d’un projet intitulé Till Tomorrow, elles cohabitent avec les populations éco-dépendantes, dont la subsistance ne dépend que de leur environnement. A la lumière de la crise climatique, elles en sont revenues avec quelques leçons. Tout comme Stéphanie Buret qui a vu en les Nénets des héroïnes des temps modernes qui s’adaptent à un monde en mutation, au nord de la Sibérie. Le quotidien n’est pas plus reposant pour les Dolganes qui s’imaginent un monde meilleur en abandonnant progressivement leur mode de vie traditionnel. Dans la péninsule de Taïmyr, au nord de la Russie, Jacques Ducoin a rencontré ces derniers des Mohicans qui continuent de mener leurs troupeaux de rennes vers des lieux où les pâturages sont plus gras.
C’est parfois le rêve d’un avenir meilleur qui transforme aussi des sédentaires en nomades. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se mettent en branle chaque année le long de routes impossibles. C’est l’histoire que nous raconte Ophélia Lebrat, qui a recueilli le récit de la dangereuse odyssée de Mamadou à travers l’Afrique et la Méditerranée dans l’espoir que l’herbe serait plus verte ailleurs que dans sa Gambie natale.