Expédition de l'entomologiste Nicolas Moulin en Guadeloupe
Carnet de voyage - Guadeloupe

Microcosmos sur la canopée

Pas grand-chose pourrait rendre Nicolas Moulin plus heureux que la découverte d’un Chloronia antillensis, un insecte qui sait se nicher au sommet de la canopée d’une forêt hygrophile de Guadeloupe. C’est pour cette quête que l’entomologiste, qui aime rester aux aguets au-dessus des arbres, met sur pied des expéditions scientifiques pour effectuer des relevés de la biodiversité.

– EXTRAIT –

6 janvier. Dans la vie il faut faire des choix, et celui-ci je ne le regrette pas : accepter la participation de Léa à la mission scientifique intitulée Dans les Pas de Melophasma, chapitre II du programme L’Appel de la Canopée. Aveuglé par mes œillères d’entomologiste, est-ce que je verrai cette aventure du même regard que cette architecte, conceptrice de structures en canopée et illustratrice pour notre mission ? Une destination : la Guadeloupe et son île de Basse-Terre. Une équipe composée de deux éducateurs grimpe d’arbres (EGA), un ami entomologiste-droniste-logisticien, autrement dit couteau suisse, et Léa. Un projet d’exploration de la biodiversité des insectes de la canopée de deux forêts hygrophiles de Basse-Terre. Une plateforme triangulaire, L’Epiphyte, qui me rappelle le symbole de la triforce dans le jeu vidéo Zelda. Tout est réuni pour une nouvelle aventure.

C’est le début du Carême, la saison sèche aux Antilles. Cependant, le changement climatique ne les épargne pas : il pleut. Ce n’est pas ce qui est prévu au programme et cela augure des complications pour les accès en forêt hygrophile. Le terrain sera gras et glissant. (…)

Il fait beau et la lumière rasante traverse la forêt. Les rayons dessinés par la brume en suspension se projettent de part et d’autre des troncs, des feuilles, parfois interrompus par la frondaison d’une fougère arborescente ou d’une large plante épiphyte. Le décor est féérique. Nous sommes silencieux, émus, admiratifs. La forêt est calme. Nous repartons. La journée sera longue.

12 mars. Tôt le matin, comme une procession de fourmis manioc portant leur morceau de feuille avec leurs mandibules, nous avançons sur le chemin humide de la forêt du morne Mazeau. Les charges sont lourdes, tel est notre fardeau. L’appréhension de la chute dans la boue et sur les racines apparentes nous impose la méfiance et la vigilance. Cela ne fait pas quarante-huit heures que nous avons atterri, les organismes doivent s’acclimater aux conditions tropicales.

À vingt-cinq minutes de la station sismologique située au sommet du morne, se trouve le site que nous avons sélectionné la veille lors d’une visite de reconnaissance en compagnie de Darlionei, botaniste au Conservatoire botanique de l’Agence régionale de la biodiversité des îles de Guadeloupe (Arbig). Au cœur de cet océan vert, la moiteur et la chaleur nous rappellent constamment à l’ordre. Cependant, la fatigue ne doit pas prendre le pas sur nos objectifs : étudier les insectes et les plantes de la canopée.

La plateforme L’Epiphyte sera notre laboratoire éphémère. D’une surface de 8 m², elle s’assemble et se hisse dans la frondaison des arbres en une journée grâce aux efforts de deux grimpeurs d’arbres et de quelques petites mains. D’ailleurs, aujourd’hui, deux agents de l’Arbig sont venus prêter main forte afin de rester dans les clous de notre programme très serré. Dans cette forêt, nous devons rapidement mettre en place un grand nombre de dispositifs, au sol, comme en canopée. Ils collecteront des insectes alors que, de notre côté, nous déambulerons dans le houppier des arbres, tels des barons perchés.

Marchant de longues minutes avec notre matériel sur le dos, pendant au bras, nous suivons Darlionei, botaniste aguerri au pas sûr et rapide. Evitant la plupart des pièges tendus par la nature, il se déplace furtivement. Il faut s’accrocher pour le suivre… ou baisser le nez de la canopée, de l’écran du GPS ou de la moindre bestiole qui nous passe devant les yeux. Nous cherchons. Nous passons en revue tous les arbres émergents présélectionnés les jours passés.

La matinée se prolonge. Il fait beau et la lumière rasante traverse la forêt. Les rayons dessinés par la brume en suspension se projettent de part et d’autre des troncs, des feuilles, parfois interrompus par la frondaison d’une fougère arborescente ou d’une large plante épiphyte. Le décor est féérique. Les mouvements de la tête ou le changement d’orientation du regard redessinent les contours de ce tableau merveilleux que la nature nous offre. Nous sommes silencieux, émus, admiratifs. La forêt est calme. Nous repartons. La journée sera longue.

Carnet de voyage de Nicolas Moulin à découvrir dans le Bouts du monde 63

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