Carnet de voyage - Mexique

Deux cents jours d’exploration

En 2013, les éthologues Barbara Réthoré et Julien Chapuis ont traversé les huit pays d’Amérique centrale pendant deux cents jours. Leur terrain d’étude était incroyable : les forêts, plages et rivières où vivent singes-araignées, crocodiles, grands perroquets, dendrobates et tortues olivâtres.

– EXTRAIT –

21 avril. Palenque, Mexique. Voilà six nuits que nous dormons dans une cabane au milieu d’un décor luxuriant. Nous sommes à deux pas du parc national de Palenque, célèbre pour son site archéologique maya – l’un des plus importants d’Amérique centrale. Aujourd’hui, c’est le grand jour. Nous allons assister à la libération d’un groupe de ara macao, ce grand perroquet rouge disparu depuis longtemps de la région.

Dans la civilisation maya, le ara macao était considéré comme le tout puissant dieu-soleil, volant entre Terre et cieux. L’histoire nous dit que son pouvoir était tel que certains fondateurs de dynasties royales étaient nommés d’après lui. Le culte des Mayas pour le perroquet ne s’arrêtait pas là. Les rois et les nobles se couvraient de parures décorées de ses plumes pour affirmer leur puissance et leur rang aux plus proches des divinités qu’ils vénéraient. Du mythe à la réalité, du passé au présent, la frontière se révèle parfois infime, c’est ce que nous prouve la réintroduction du ara macao à Palenque.

La trappe s’ouvre. En quelques secondes, les vingt perroquets quittent leur enclos pour rejoindre la vaste forêt du parc national. Leur tout premier vol en liberté est hésitant et on le devine, éprouvant. Applaudissements et cris de joie fendent la foule venue assister à l’événement. Plus de soixante ans après sa disparition, nous assistons émus au grand retour du ara macao. Le dieu-soleil veille à nouveau sur Palenque.

2 juillet. Volcan Tajumulco, Guatemala. 3 000 mètres. Nous entamons l’ascension phare de l’expédition. Le manque d’oxygène commence déjà à se faire ressentir. Les dévers rocheux se succèdent et les quinze kilos de nos sacs à dos se font de plus en plus pesants. La pluie accompagne dorénavant notre progression.

4 000 mètres. Nous décidons d’établir notre campement, quand l’orage éclate. Un torrent de boue se forme, menaçant de traverser notre tente. Des tranchées sont creusées à l’aide de bâtons et de pierres. Trempés, il faut maintenant lutter contre l’hypothermie. En guise de dîner, nous nous contentons d’un plat de pâtes raté. La journée s’achève tôt, la suivante démarre aux aurores. Le réveil sonne à 3 h 45. Le vent est glacial. Bonne nouvelle toutefois : la pluie s’est arrêtée. Dans une nuit d’encre, enveloppés par un épais manteau nuageux, nous cheminons vers le sommet. À la lampe frontale, nous gravissons les dernières pentes rocailleuses.

4 220 mètres. Il est 5 h 30 quand nous parvenons au sommet. Là-haut, les premières lueurs du jour percent et dégagent peu à peu l’horizon sur un panorama spectaculaire. Nous nous tenons sur le toit de l’Amérique centrale, mission accomplie ! À nous à présent le dénivelé négatif jusqu’au premier signe de civilisation, jusqu’à la première route. Les trois heures de bus jusqu’à Quetzaltenango ont le goût de la satisfaction et la saveur de l’accomplissement.

© Carnet de voyage de Barbara Réthoré et Julien Chapuis à découvrir dans Numéro 30

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