Népal - la servitude des porteurs - bouts du monde
Carnet de voyage - Népal

Népal : la servitude des porteurs

Carnet de voyage Népal. Voyageur solitaire au Népal, Jean-Pierre Poinas se glisse à l’ombre du Machapuchare et du Dorje Lakpa, observant touristes et Sherpas, interrogeant la gloire des « trekkers » et la servitude des porteurs.

-EXTRAIT-

Ils sont heureux, les Américains, ils viennent de trouver une personne qui leur ressemble : au cœur du Népal, près d’un feu de rhododendrons, à 3 000 mètres d’altitude ! En somme, résume l’un d’eux, c’est comme un petit boulot d’été ! Ils sont une quinzaine, autant que les Coréens qui mangent à la table d’à côté.

Tous ont rincé leurs tee-shirts, qui gouttent sur nos pieds, suspendus à un carré de bois autour des tuyaux chauffant l’eau du réservoir pour la douche. La plupart vont au camp de base de l’Annapurna. Ils y rendront hommage à un Français nommé Herzog.

C’est là aussi que va grimper le jeune étudiant Népalais, avec 40 à 50 kilos sur le dos, liés à son corps par une seule lanière ceignant son front. Mais auparavant, il va déclencher une extase en indiquant sa discipline : le management. Aucun doute, le Népal est en voie de développement et le portage n’est plus qu’un « petit boulot d’été » !

À l’exception de ce futur manager, les porteurs n’ont d’autre avenir que de porter. Gravissant moi-même à pas lents les 1 500 marches qui mènent à Ghorepani, je sens leurs pas derrière moi, à une soudaine vibration des pierres. C’est comme une puissance venue d’ailleurs, un roulement de métro, une rumeur plus forte que ma respiration. Il est urgent de s’esquiver.

L’humiliation ne vient pas d’être dépassé par des extra-terrestres. Elle vient du détail de leur charge : deux ou trois sacs à dos boudinés, ficelés les uns aux autres, y compris les bretelles que nous avons l’habitude d’adapter à nos anatomies. J’ai passé des heures à choisir les miennes. De cette technologie coûteuse dont je suis si fier, ils ont fait un paquet informe qu’une seule lanière relie à leur corps par le haut de la tête.

Je me demande ce que peuvent contenir ces sacs à dos transformés en sacs à tête : des tee-shirts propres, des sacs de couchage, des alcools, des cigares, que sais-je ? De quoi fêter le premier 4 000 des Américains et des Coréens, au pied de la grande dame blanche qui les toisera d’autant…

© Récit de voyage de Jean-Pierre Poinas à lire dans Numéro 23

à découvrir aussi

David Ducoin - Fleuve gelé - Bouts du monde

Revenir sur la Chadar

par Jacques Ducoin

Vingt-cinq ans après, Jacques Ducoin et son fil David sont retournés, accompagnés par le dessinateur Nono, sur la Chadar, le fleuve gelé qui désenclave les vallées du Zanskar au plus fort de l’hiver. Vingt-cinq années au cours desquelles leurs amis ont vieilli et la glace s’est fragilisée. – EXTRAIT – À plusieurs reprises, nous mettons…

Philippe Montillier - En roue vers le Masherbrum II

En route vers le Gasherbrum II

par Philippe Montillier

Philippe Montillier connaît trop bien la haute montagne pour savoir que le ciel bleu du matin peut cacher une terrible tempête le midi. Au camp IV du Gasherbrum II, c’est un message radio grésillant envoyé par le camp de base qui a coupé court à l’aventure. – EXTRAIT Carnet de Voyage Pakistan- Nous avons dormi,…