Félic Leclerc - Guyane - Bouts du monde
Carnet de voyage - Guyane

Océan vert

Le paradis de Félix Leclerc ne se niche pas sur les bords d’un lagon. Son truc à lui, ce sont plutôt les arbres géants, le vacarme enthousiasmant de la biodiversité et les longues marches dans la moiteur de la forêt amazonienne. Décollage immédiat.

– EXTRAIT –

Saül, ce nom étrange, attise la curiosité. Il a été donné, dit-on, par le fondateur du village, Monsieur Sahul, Saint-Lucien et chercheur d’or. Sur une carte de Guyane, il suffit de poser son doigt au centre pour le trouver et réaliser à quel point c’est isolé. Aucune route ni aucune voie navigable n’y mène, seuls les airs permettent de goûter à l’isolement amazonien de cette « terre du milieu », si chère à ses quelques 168 habitants. On vient ici chercher la quiétude, le contact avec la nature, et on les trouve.

Face à la frénésie du monde moderne, on sent à Saül le temps s’étirer en déambulant dans le village, en se rafraîchissant dans une crique, ou en écoutant le jour se lever sur la forêt… L’adage dit que le trajet fait partie du voyage, ici on est servi : sur le tarmac de l’aéroport de Cayenne nous attend le let 410 d’Air Guyane Express, dix-neuf places, deux hélices, et du bruit, beaucoup de bruit. Il faut hurler pour faire part de son émerveillement sur ce qui défile derrière le hublot : la forêt amazonienne qui s’étend au-delà de l’horizon, tel un océan vert dont les collines formeraient la houle. Parfois une floraison dans la canopée, le serpent brunâtre d’un cours d’eau ou d’une piste entre les nuages vient rompre cette illusion.

Courte escale à Maripasoula. C’est le dernier bastion « urbain » sur le fleuve Maroni, far west guyanais regardant droit dans les yeux New Albina, le far east surinamais, le long de cette frontière liquide, poreuse et légendaire. Le temps de se dégourdir les jambes et d’échanger quelques banalités avec le pilote, nous repartons contempler ce que les mauvaises langues surnomment « l’enfer vert ». Laissons-leur les plages bondées de la Côte d’Azur, nous arrivons au Paradis : l’avion descend ; des arbres, toujours des arbres. On descend, les cimes se rapprochent. Un soupçon d’inquiétude. Enfin on touche le sol, moelleux. La piste en latérite mène à « l’aéroport », une cabane de bois et tôle où tout le monde semble se connaître. On récupère ses bagages dans une bonne humeur communicative avant de prendre le minibus qui conduit au village. Les plus courageux choisiront le sentier. Quelques kilomètres un peu chaotiques nous mènent au village. Des images de western amazonien viennent imprimer la rétine : quelques cahutes de bois et échoppes de part et d’autre d’une bande de terre rouge, le silence perturbé par des cris d’oiseaux ou le passage d’un quad, au beau milieu d’une inextricable forêt.

Carnet de voyage de Felix Leclerc à découvrir dans Numéro 44

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