Carnet de voyage - Guadeloupe

Parenthèse enchantée à La Désirade

C’est Julie, amoureuse des mots, qui a initié l’écriture de ce carnet de voyage à La Désirade au début de l’année 2020. Julie est décédée soudainement en avril 2021. Son compagnon Anthony a repris le carnet Moleskine où des notes racontaient l’île et son histoire, fixant les souvenirs d’un voyage à deux. Il a ainsi complété le récit de ces jours ancrés à jamais au plus profond de sa mémoire.

– EXTRAIT –

27 décembre 2019

Allégés de quelques sacs que nous avons laissés au joli musée des Beaux-Arts de Saint François, nous nous dirigeons vers l’embarcadère où nous devons prendre un bateau pour rejoindre La Désirade, dernière destination de notre voyage. Située à une dizaine de kilomètres de Grande-Terre, l’île principale de la Guadeloupe, cette petite île doit son nom à Christophe Colomb et ses comparses, qui s’écrièrent en l’apercevant, « Oh île tant désirée… » après vingt-et-un jours de voyage depuis les îles Canaries.

Nombreux sont les Guadeloupéens rencontrés sur la route qui ont haussé les sourcils quand nous leur annonçons que nous allons passer quatre jours sur l’île : « Vous allez vous ennuyer, on a vite fait le tour » nous prévient-on. Mais son caractère sauvage et peu touristique nous attire. Son nom poétique aussi, que Guillaume Apollinaire a utilisé dans des poèmes parus dans Alcools. Sa réputation sulfureuse a également attisé notre curiosité. Pendant longtemps, La Désirade a été l’île des indésirables. Comme d’autres îles-prisons, les « mauvais sujets » du Royaume de France étaient envoyés depuis Rochefort sur ce caillou pour être emprisonnés. Également, les lépreux étaient isolés à Baie-Mahault, à l’extrémité orientale de l’île entre le XVIII et le XXe siècle. Mal fréquentée, La Désirade devint également un refuge pour les corsaires et les pirates. Tout un programme !

Dans la lumière dorée de la fin du jour, nous embarquons sur un petit ferry rouge vif. Nous prenons place sur le pont supérieur, à l’extérieur. Quand le bateau s’éloigne du port et prend de la vitesse, je ris de l’ivresse du vent, des belles vagues qui dansent. À côté de moi, un marin, appuyé avec nonchalance sur le bastingage, me montre au loin les silhouettes des îles de Marie-Galante et des Saintes. Je scrute l’eau à la recherche de baleines, mais le marin m’explique qu’elles sont parties vers des eaux plus chaudes. Le bateau compte surtout des locaux, peu de touristes. Debout, tanguant au gré de vagues, je jubile en regardant le soleil se coucher dans le sillage d’écume, dans une explosion de chaudes couleurs.

Au loin, dans la pénombre, l’île se dessine de quelques lumières côtières, qui se font de plus en plus présentes au fur et à mesure de notre approche : il y a un côté magique à accoster sur une île à la nuit tombée, qui garde une partie de ses mystères pour l’aube du lendemain. Nous arrivons à Beauséjour, le principal port de pêche de l’île. Un bus, qui fait seulement deux rotations par jour, nous conduit à travers l’île, vers l’est. Enfin, au bout d’un chemin plongé dans l’obscurité, nous arrivons à notre nouveau logement. Sur la terrasse je respire, ravie, l’air de la mer, tout proche mais invisible dans la nuit.

Carnet de voyage de Julie Labbé et Anthony Bourasseau à découvrir dans Bouts du monde 54

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