zanzibar en danseuse
Carnet de voyage - Tanzanie

Zanzibar en danseuse

Le paradis existe, Anthony Bourasseau l’a rencontré. Il se niche sur une petite île de l’océan Indien où une balade à bicyclette peut se terminer sur un boutre qui navigue au milieu de cinquante nuances de bleu.

– RÉCIT DE VOYAGE LONG FORMAT –

De Rumbek, ville poussiéreuse du Soudan du Sud, il me faudra pas moins de deux jours et une petite vingtaine de décollages et atterrissages pour arriver jusqu’à Zanzibar… Bon nombre d’entre eux assis dans un petit coucou instable de sept places.

Zanzibar, enfin : la vue aérienne, avec ses nuances presque infinies de vert et de bleu, est fidèle à mes cartes postales cérébrales. À peine sorti de l’aéroport, un orage tropical comme l’Afrique sait les faire s’abat sur Stone Town.

À la recherche d’un endroit où dormir, j’erre dans les étroites ruelles, sac sur le dos, pieds nus dans cette eau ruisselante et tiède. Et finalement, ça devient presque agréable. Malgré mon état de fatigue physique et mental, j’ai un sourire inaltérable. Peut-être parce que Zanzibar n’était jusqu’alors qu’un vieux rêve de voyage inassouvi et que je réalise peu à peu que le rêve devient réalité. Mes cinq sens me plongent dans l’atmosphère si particulière de l’île et de sa mythique capitale : Stone Town est un bonheur de ruelles labyrinthiques aux bâtiments surannés et défraîchis, d’où émanent des odeurs de poissons et d’épices.

Les chants réguliers des muezzins plus ou moins doués et les cris d’enfants qui jouent résonnent dans les rues. Un peu africaine mais pas trop, un peu arabe mais pas trop, un peu indienne mais pas trop, Zanzibar est tout cela à la fois, métissée par des siècles de migrations, forcées ou non.

 

« Not possible ! » Finalement, j’aurais peut-être dû écouter le vieux pécheur zanzibari à qui j’avais expliqué la veille mon projet de longer la plage à vélo depuis la côte sud-est jusqu’au nord de l’île.

Le soleil à peine levé, les pneus de ma petite reine crissent de douleur sur le sable dur et parsemé de coquillages, tandis que les pécheurs rejoignent leur boutre pour partir en mer.

Leurs femmes récoltent les algues cultivées dans la lagune, pendant que les enfants jouent sur la plage. Je m’entête à vouloir passer par la plage malgré les facéties de mes chambres à air. Aïe, des rochers…

Le pécheur zanzibari n’avait pas mentionné pas ces rochers. Je porte mon vélo indien -qui pèse une tonne- pendant un bon kilomètre au-dessus des roches coupantes, avant de me résigner : « not possible », en effet… On apprend de ses erreurs, de ses voyages, et surtout de ses erreurs en voyage.

Demi-tour, toujours le pachyderme sur les épaules. Ma carte indique une autre route qui mène au nord. Je continue donc sur l’asphalte, mon vélo couinant et grinçant à chaque coup de pédale.

L’océan semble être au centre de l’île depuis toujours (enfin, façon de parler). J’arrive après quelques kilomètres sur un chemin forestier qui mène… au paradis : une plage paradisiaque –sable blanc, mer turquoise, cocotiers, silence et sérénité- qui s’ouvre sur la Chwaka Bay.

Et par miracle, une pirogue -la seule des environs!!- est justement stationnée au bord de l’immensité bleue. Attiré par mes quatre mots de kiswahali, un pécheur finit par se montrer, glisse mon vélo à l’avant et hisse les voiles pour franchir la baie et me débarquer en plein marché coloré à Chwaka.

Le portfolio d’Anthony Bourasseau à Zanzibar a été publié dans Numéro 14, NUMÉRO ÉPUISÉ.