Le dernier voyage de Roland Michaud

Le dernier voyage de Roland Michaud

« Aimez-vous les voyages mademoiselle ? » C’est avec ces simples mots que Roland Michaud a abordé pour la première fois celle qui deviendra sa femme, Sabrina, dans une bibliothèque de Rabat où il effectuait son service militaire. Pendant soixante ans, ils ont formé un couple mythique de photographes voyageurs. Roland Michaud s’est éteint mardi matin à Paris à l’âge de 89 ans.

Sa barbe blanche et son regard bienveillant lui conféraient une sagesse intimidante. Nous avons été très touchés et très fiers que Roland Michaud sollicite Bouts du monde pour publier les bonnes feuilles de son dernier livre La Dernière Caravane (Editions Nevicata). Il raconte le contrechamp inédit de leur voyage de 1971 qui accompagne une caravane de chameaux de Bactriane le long des rivières gelées du Pamir afghan. Un monde disparu qui avait fait la couverture de l’édition américaine du magazine National Geographic.

La semaine dernière, Roland nous a adressé un rapide coup de téléphone pour nous remercier de lui avoir envoyé un paquet de revues. Entre les mots, nous avons aussi entendu sa joie de voir publier un peu plus largement l’histoire de cette caravane de Tartarie qui a tant marqué la vie du couple. « À la veille de nos 89 et 81 ans respectifs, sa dimension s’est accrue jusqu’à atteindre une dimension historique et symbolique, voire spirituelle, qui nous dépasse infiniment. Elle s’est installée dans une sorte d’éternel présent et nous accule à une obsession, celle de la faire passer à la postérité », écrivent-ils dans la postface de La Dernière Caravane.

Vous imaginez pour un photographe ? Cette image, elle a existé puisque quelqu’un en a parlé. Voilà l’image qu’il aurait fallu que je ramène

A notre tour de remercier Roland et Sabrina Michaud. Comme tant de générations de voyageurs, nous avons rêvé devant leurs photographies iconiques de l’Afghanistan. A l’aube de nos vingt ans, leurs photos du buzkachi ou de l’Afghan à la rose nous ont ouvert les portes d’un monde dont on ne soupçonnait pas l’existence.

En 1964, le couple découvre l’Afghanistan. À l’époque, le pays est une zone blanche sur la carte du monde. « On n’en savait rien. C’était le mystère. Il n’y avait pas de photos, on ne savait pas à quoi ça ressemblait. Et là c’est le coup de foudre. On voit des montagnes qui ne sont pas tout à fait comme les nôtres, des sites extraordinaires, une harmonie incroyable entre les hommes et la nature. L’Afghanistan restait enfermé dans ses montagnes, où les gens avaient gardé leurs traditions, leur allure, leur noblesse », nous confiait Roland Michaud en février à Paris.

Avec les yeux qui brillent, il nous a aussi raconté sa passion pour l’Inde qu’ils ont arpentée pendant quarante ans. Il nous a décrit la photo dont il rêvait encore le soir en s’endormant.« Un grand saint de l’Inde, au Moyen-Âge, raconte qu’il découvre, pendant la mousson, un cobra qui abrite sous son capuchon une modeste grenouille. Vous imaginez pour un photographe ? Cette image, elle a existé puisque quelqu’un en a parlé. Voilà l’image qu’il aurait fallu que je ramène ».

William Mauxion