Jean-Pierre Frachon
Carnet de voyage - Inde

Aller sur leurs traces

En juin 2000, deux jeunes Français Jean-Philippe Tavaud et Virginie Durif disparaissaient dans le massif du Garhwal situé dans l’Himalaya indien. Jean-Pierre Frachon, guide de haute montagne, part à leur recherche. Il se souvient de la haute route des pèlerins du Garhwal à l’origine de leur disparition dans une région de non-violence où le crime de sang n’existe pas. Pour ne pas les oublier.

– EXTRAIT Carnet de voyage Inde-

Fin 1998.En compagnie de Jean-Phi, je suis penché sur la très belle carte du Garhwal, au 1/150 000e,réalisée par des cartographes suisses. Nous essayons de comprendre les mystères de la toponymie du prestigieux et complexe massif du Garhwal situé dans l’Himalaya indien. Notre imagination et quelques informations glanées de-ci de-là nous incitent à tracer en rouge sur la carte un cheminement qui pourrait expliquer comment des pèlerins ont pu, dans le passé ,relier les deux sanctuaires de l’hindouisme parmi les plus sacrés de l’Inde : Kedarnath et Gangothri. 

Juin 2000.Jean-Phi, responsable du secteur Asie d’une société de voyages d’aventures, et Virginie, coordonnatrice d’une expérience d’éco-lodge au Népal, ont décidé de passer ensemble leurs vacances dans le nord de l’Inde. Partis de France début mai, leur retour est prévu début juin. Nous sommes, depuis leur départ, sans nouvelle d’eux. Dans leur sac, ils ont emporté le minimum avec un peu de matériel de montagne et la photocopie de la carte du Garhwal. Jean-Phi m’a laissé entendre qu’il ferait une reconnaissance de l’itinéraire tracé en rouge pour tenter de dévider ce fil d’Ariane qui relie Kedarnath à Gangothri. Après deux ou trois jours d’attente et de vérifications infructueuses auprès de contacts indiens, je suis sollicité pour me rendre en Inde et tenter de comprendre pourquoi Jean-Phi et Virginie ne sont pas revenus du massif du Garhwal.

Nous tournoyons auprès de sommets aux noms prestigieux : Kedarnath, Talay Sagar, Schivling, Jaonli. Tout serait merveilleux si de grandes bouffées d’inquiétude ne venaient me rappeler pourquoi je suis là : à la recherche de Jean-Phi et Virginie.

Juillet 2000.Durant plusieurs jours, accompagné du sherpa Pasang et du sirdar indien Budhi Singh, je sillonne la région à la recherche d’indices, questionnant la population locale, placardant des affiches, déposant des avis de recherche auprès des autorités locales. Personne ne les a aperçus. Manquant de temps et de moyens pour reconnaître tout l’itinéraire, je décide de recourir à la voie des airs pour voir de plus près la partie glaciaire.

À bord d’un hélicoptère privé indien, je survole depuis une heure une zone de glaciers, dans la partie centrale du massif du Garhwal. Collé au hublot, Je cherche à repérer des restes de campement ou des traces dans la neige. Devant moi des immensités de neige défilent, fermées par des barrières de glace et de roches impressionnantes. Nous tournoyons auprès de sommets aux noms prestigieux : Kedarnath, Talay Sagar, Schivling, Jaonli. Tout serait merveilleux si de grandes bouffées d’inquiétude ne venaient me rappeler pourquoi je suis là : à la recherche de Jean-Phi et Virginie.

Malgré mon insistance, le pilote, peu habitué aux vols de montagne, refuse d’approcher et de franchir le col de l’Auden, le passage le plus haut de l’itinéraire. Il fait grand beau, le spectacle est saisissant, une profusion de sommets entre 6 000 et 7000 ms’étale. Dans cette immensité et dans cet inextricable chaos, un itinéraire pourtant s’impose à moi. Le pilote fait demi-tour vers l’aéroport d’Utarkashi, mais pour moi c’est sûr, un jour je reviendrai avec Jean-Phi et Virginie pour dénouer le fil rouge.

Récit de voyage Inde de Jean-Pierre Frachon à découvrir dans Bouts du monde 50

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