Carnet de voyage - Buenos Aires

Buenos Aires en détail

Lorsqu’elle était étudiante en architecture, Agnès Guillemin a dessiné Buenos Aires sous toutes les coutures. Elle y est retournée en famille vingt ans plus tard, escale obligatoire de trois mois d’un voyage itinérant au long cours. Escortée par une douce mélancolie, elle a ressorti des carnets à dessins pour figer cette ville sans monuments qui résiste à l’air du temps.

– EXTRAIT –

Il y a vingt ans je suis partie loin. Quittant Paris et un peu de mon enfance, j’ai changé de continent pour Buenos Aires. Dernière année d’études. Devenir architecte. Un projet en tête, une université pour m’accueillir, une ville à découvrir et une langue à apprendre. Tout un programme. Jeune, étudiante, ne parlant pas un mot d’espagnol, j’ai arpenté cette ville, plutôt cette mégapole. Je l’ai usée. Je l’ai scrutée dans tous ses recoins. J’y ai entrevu ses vicissitudes, son âme noire tout en apprenant le « castellano » et le tango. Buenos Aires s’est dévoilée pour que je travaille, que j’étudie. Et je l’ai fait. Plans. Histoire. Façades. Cuadras.Manzanas. Esquinas. Villas et maisons occupées. Un monde inconnu et infini. J’ai voulu tout voir et tout comprendre pour saisir ce monde qui m’était tant étranger. J’ai fatigué mes pieds, mes yeux, mes oreilles de ce monde nouveau, de ce désordre apparent mais malgré tout cohérent. D’un trottoir déglingué aux vestiges haussmanniens. Des déambulations sur des avenues tracées au cordeau et sans fin. J’ai scruté ces détails insignifiants qui font une ville. Qui sont la ville. J’ai tant aimé cet endroit.

Sans m’en rendre compte, j’ai fait mon inventaire à la Prévert de mon Buenos Aires : 3 voitures, 5 maisons, 2 épiceries, 7 façades, 1 choripan, 4 immeubles…

La vie m’a fait rentrer à Paris, et j’ai toujours eu l’envie, l’idée et l’espoir de revenir rapidement. Ce rapidement a duré vingt ans… L’année dernière j’y suis revenue. En famille cette fois. Sans but précis à part le souvenir, la mélancolie à chaque coin de rue et l’envie puissante d’oisiveté dans cette ville à réapprivoiser. Deux décennies de croissance urbaine à cartographier mentalement mais avec cette fois-ci la liberté totale du voyageur. Avec trois mois devant moi, je l’ai arpentée un crayon à la main pour figer dans le temps tous ces lieux qui finalement n’ont pas tant changé. Les façades sont les mêmes. Les constructions neuves n’ont pas envahi la ville comme elles l’ont fait ailleurs. Et ce côté décati tout à la fois rayonnant qui m’avait tant fascinée il y a vingt ans est toujours présent.

Buenos Aires est restée une ville basse sans champignons sortis de terre pour abriter un centre économique flambant neuf ou autres complexes hôteliers. A part quelques enclaves, le capitalisme effréné ne s’est pas invité sur chaque devanture de magasin. Mes déambulations, Moleskine en main, m’ont fait m’arrêter devant tant d’endroits durant ces trois mois que mes dessins se sont agrégés pour devenir des sortes de collections. Sans m’en rendre compte, j’ai fait mon inventaire à la Prévert de mon Buenos Aires : 3 voitures, 5 maisons, 2 épiceries, 7 façades, 1 choripan, 4 immeubles… Car finalement, Buenos Aires est une ville qui n’existe pas. Née d’un fleuve immobile, elle oublie ses quais et dérive vers la pampa dans un vertige horizontal.

Carnet de voyage d’Agnès Guillemin à découvrir dans Bouts du monde 51

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