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N°51 Polaire

été 2022
19,00 

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Dans chaque numéro de Bouts du monde, une quinzaine de carnets de voyages et une thématique pour rire, rêver, s’émouvoir ou questionner le monde.

Description

Pensées contraires

Le baromètre n’est pas d’une précision scientifique à toute épreuve mais il esquisse quand même une tendance. Quand Bouts du monde est né en 2008, l’écrasante majorité des carnets de voyage que nous recevions racontait l’Inde, l’Afrique de l’Ouest, un peu l’Asie du sud-est, un peu la Patagonie. Le centre de gravité des voyages a changé : désormais, le dépaysement semble se chercher de part et d’autres des 66e parallèles.

L’impression se confirme au gré de quelques statistiques glanées ici ou là : 140 000 touristes visitent chaque année le Svalbard, archipel situé à 1 300 kilomètres du pôle Nord qui compte 3 000 habitants à l’année. Il faut obligatoirement s’équiper d’un fusil quand on s’éloigne de Longyearbyen, car l’ours blanc habite ici. Avant le Covid, près de 80 000 personnes par an croisaient en Antarctique, une aberration environnementale. Leur nombre croit de 10 % par an. Toutes ne s’approchent pas des manchotières. Seuls les passagers des plus petits bateaux – jusqu’à une jauge de 500 quand même – peuvent débarquer, à condition de ne pas marcher n’importe où. Ceux qui restent à bord regarderont la banquise, toisée par les cheminées de ces gros paquebots propulsés par du fuel lourd.

Dans une sidérante mise en abîme, les voilà au premier rang pour observer les effets du réchauffement climatique dans une région où il s’opère trois fois plus vite que n’importe où ailleurs sur la planète. Les opérateurs touristiques ont beau passer au vert leur communication, la glace est un peu moins blanche.

S’il faut renoncer, que va-t-on va faire de nos rêves ? La sagesse commande de se réfugier dans les pages d’Ernest Shackleton, Jean Malaurie ou Jean-Baptiste Charcot. Au final, elles valent bien mieux qu’un dépliant touristique qui permet d’arpenter le Svalbard le cœur léger à grands coups de slogans sur l’écotourisme.

Des « pensées contraires » assaillent la guide conférencière Oriane Laromiguière quand elle accompagne des touristes en Antarctique. Qu’est-ce qu’elle fait là accoudée au bastingage de ce paquebot aussi gros qu’un iceberg ? Aux clients qui ont revêtu la chaude parka rouge aux couleurs de la compagnie, elle raconte un bout d’histoire d’exploration polaire, rappelle à quelques clients fortunés la fragilité de l’écosystème. Certains écoutent. D’autres pas.

Les scientifiques connaissent la chanson, eux qui mènent des études essentielles dans une indifférence gênante. À l’image de Léo Decaux, parti poser des capteurs dans les entrailles d’un glacier du Svalbard au prix de risques insensés. Ou bien de Lydie Lescarmontier qui déploie des trésors d’imagination et de logistiques pour aller mesurer l’épaisseur de la calotte glaciaire sur la terre Enderby en Antarctique.

Ces histoires de scientifiques ont touché Anaïs Pélier, une médecin qui a installé son cabinet dans les Terres australes et antarctiques françaises. Elle y raconte le quotidien de ceux qui partent loin de chez eux, à l’écart du fracas du monde et aux premières loges du grand bouleversement à venir. Il faut citer les scientifiques ukrainiens de la base de Vernadsky en Antarctique. Cédric Gras a séjourné parmi eux grâce au transport d’un brise-glace russe. C’était en 2016. L’invasion de la Crimée n’avait pas altéré la coopération scientifique sur ce continent de paix, en vertu du traité de l’Antarctique de 1956. Chacun se rappelle, depuis, que la Russie n’a jamais caché son appétit pour « les ressources minérales et hydrocarbures » du sous-sol du contient blanc. C’était avant le 24 février 2022.
William Mauxion
19,00 
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