Carnet de voyage - Océan pacifique

Clipperton, l’île mystérieuse

Tête d’épingle perdue dans l’immensité du Pacifique, Clipperton est une île française bien mystérieuse. Le reporter Stéphane Dugast s’y est rendu à trois reprises en 2001, en 2003 et plus récemment au printemps 2015. Des expériences forcément intenses tant l’île de la Passion – son nom de baptême – symbolise l’insularité absolue et subit les assauts de l’océan. Ce qui n’empêche pas l’Etat de s’intéresser au plus haut point à ce confetti de la République, royaume des crabes, des oiseaux marins et des rats.

Elle est là. Sur bâbord. À quelques encablures. Une mince bande de terre comme suspendue au-dessus de l’océan. D’innombrables silhouettes de cocotiers l’habillent comme de la dentelle. Un imposant rocher noir, maculé de blanc se détache sur un fond de ciel bleu azur. Elle est là. Face à moi. Enigmatique. Féerique comme tout droit sorti d’un roman de Robert-Louis Stevenson ou de Jules Verne. Je tiens mon île mystérieuse. Mon île aux trésors. Celle imaginée dans mes lectures. Celle tant ressassée dans mon imaginaire.

Chez les marins, Clipperton est une escale mythique. Rare et prisée. À chaque passage d’un bâtiment gris à proximité, les militaires ne manquent jamais l’occasion de hisser haut les couleurs sur ce bout de France. Attribuée définitivement en 1931 à la France au détriment du Mexique, l’île de Clipperton reçoit fréquemment des marins français à compter de décembre 1934. (…)

À chaque escale, le pavillon tricolore flotte ainsi fièrement dans le ciel azur. Au nez et à la barbe de milliers d’oiseaux marins et des millions de crabes. Dérisoire sûrement. Pourtant de Clipperton s’exhale un incontestable parfum d’aventures. Face à la frange des cocotiers, j’inspecte les moindres recoins de l’atoll. Malgré l’heure matinale, frégates et sternes virevoltent au–dessus de nos crânes comme pour mieux saluer l’arrivée des 250 marins de la frégate « Latouche-Tréville ». Débarquement imminent. (…)

Clipperton apparaît alors rapidement en technicolor. Comme dans un rêve. Vu du ciel, l’atoll est magique. Mince bandeau de terre jaune et gris. Forme elliptique parfaite ; parsemé de cocotiers verts et ceinturé par un lagon aux teintes turquoises. (…) Rapidement la vision féerique s’estompe. Le paysage devient austère. Le sol rugueux d’aspect volcanique est peuplé de milliers d’oiseaux qui n’ont visiblement pas l’habitude d’être dérangés. Difficile de les déloger et de les chasser. (…)

Les vestiges de la seule occupation française m’inspirent. Près 35 ans plus tard, tout est resté à l’abandon. Citerne d’eau bringuebalante. Toitures et murs des baraquements arrachés par les vents violents. Seules restent les fondations. Les vestiges du riche passé de l’île s’effacent peu à peu. L’après-midi s’écoule tranquillement sous une chaleur de plomb de plus en plus insupportable.

La peau brûlée par le soleil et le gosier sec, je suis mort de soif. Plus d’eau dans mes réserves. Plus d’eau chez les marins. Sur l’atoll, la réverbération est totale. Je continue malgré tout mes pérégrinations en me rendant plus au nord. Une autre équipe procède au balisage de la piste d’aviation, celle construite par les Américains lors de la Seconde Guerre Mondiale. Les vents et les tempêtes ont fait leur ouvrage. La piste est défoncée. Plus bucolique, des herbes et des ronces folles la parcourent. « Des traces de pneumatiques ! », exulte un marin. « La preuve que des petits coucous se posent ! », toujours selon lui. Des narco-trafiquants ? Notre imaginaire s’enflamme.

© Carnet de voyage de Stéphane Dugast à lire dans Bouts du monde n°27

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