Les gardiennes du Zanskar
Le Chadar s’était refermé derrière moi. Cela devait durer une semaine. Puis deux. Et le temps s’était ensuite suspendu. Plus personne ne viendrait. Plus personne ne repartirait. Le Zanskar avait rendu son verdict : je devais rester. Sous l’air des mantras des nonnes bouddhistes, le feu faiblit. La chaleur qui nous effleurait s’évanouit rapidement. Je sortis pour récupérer du bois. Dehors, la neige demeurait imperturbable. Depuis deux semaines, elle balayait le paysage sans relâche. Elle nous isolait chaque jour d’avantage de “ceux qui vivaient derrière les montagnes”.
Mon rêve de vire un hiver dans l’Himalaya était teinté de nuances blanches. Mais lorsque les montagnes s’écartèrent et que le Zanskar se découvrit à moi, tout n’était que pierres et poussière. J’étais entourée de nuances fauves. Une légère déception accompagna ce constat. Au fond j’avais souhaité cette neige qui m’empêchait désormais de repartir.
L’impossibilité de repartir à temps m’avait troublée, inquiétée. Mon visa était arrivé à expiration, mes billets d’avion étaient perdus, mais je vivais là-bas des instant précieux. Je me devais de les vivre à la hauteur de ce qu’ils valaient. Cette glace sur ma fenêtre au réveil, cette odeur âcre qui se dégageait des excréments de yaks dans le feu, cette poussière omniprésente à l’intérieur des chambres, cette heure de marche pour puiser l’eau derrière le village, ces sourires glissés entre deux tasses de thé. Tous ces détails constituaient l’essence du Zanskar. Hors du temps, hors de tout, cette vallée isolée était emplie d’une intensité et d’une sincérité rares. Elle possédait le secret d’un élixir oublié : l’élixir de la sérénité.
Carnet de voyage de Linda Bortoletto dans le Bouts du monde n° 23.
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