La complainte du glacier - Grégoire Aussavy au Kirghizstan
Carnet de voyage - Kirghizstan

La complainte du glacier

Le bruit de fond de cette histoire que nous raconte le vidéaste Grégoire Aussavy, se fait de plus en plus présent. Au Kirghizstan, le glacier Merzbacher se vide un fois l’an. Les scientifiques ont donné un nom à ce phénomène provoqué par le réchauffement climatique : le glacial lake outburst flood, pour « vidange brutale d’un lac glaciaire ». Cette catastrophe est passée sous la plupart des radars en France jusqu’à ce que les spéléologues de l’association Regard sur l’aventure proposent à Seb, youtubeur renommé, d’accompagner l’expédition scientifique.

– EXTRAIT – 

Notre première rencontre avec les cailloux a lieu sur le camp de base, au front du glacier Inylchek. Imaginez six mines perplexes au petit matin devant un immense tas de cailloux. Le plus gros tas de cailloux jamais vu. Nous ne le savons pas encore, mais la « moraine » sera notre décor tout au long de l’expédition. Je surprends le regard sceptique des Kirghizes qui doivent se demander pourquoi on a trimballé jusqu’ici quatre caméras et un drone pour filmer des cailloux.

La veille, c’est nous qui étions trimballés avec la vingtaine de porteurs de l’expédition dans des Kamaz soviétiques. Après un passage de col à 3 800 m d’altitude, nous avions traversé une mystérieuse ville fantôme : Engylchek. Une ruine moderne qui aurait dû être inaugurée juste avant la chute de l’URSS. Un mauvais timing qui nous offre de belles images.

Plus loin, on nous demande poliment, mais fermement, de ranger les caméras. C’est bien dommage car ce poste frontière avancé avec la Chine ressemble à un décor de western. Ou plutôt d’ « eastern » : une allée poussiéreuse bordée de pierres peintes en blanc, un réservoir d’eau à moitié affaissé et rongé par la rouille, des baraquements vides à la peinture fatiguée au milieu d’une vallée sauvage.

Notre venue ne troubla même pas la sieste du chien du garde-frontière qui rêvait surement d’invasions barbares et de défense héroïque. Passé ce dernier îlot de civilisation, il n’y avait plus que le glacier et les réponses à nos questions.

« Le Kamaz passe partout, sauf quand il ne passe plus » est probablement un proverbe soviétique. Je me réjouissais discrètement devant notre camion embourbé dans le lit de la rivière. Enfin de l’aventure ! Pendant que les porteurs se relayaient à la pelle au milieu des traces de loups, le soleil s’éteignait déjà en une dernière poursuite lumineuse au fond de la vallée. « Chaque coucher de soleil comme l’hémorragie sans cesse recommencée du monde »

À l’autre bout du camp, les porteurs ont justement organisé un atelier de développement personnel à base de vodka. Beaucoup de vodka

L’aventure, c’est souvent ce qu’il reste quand tout s’est déroulé comme prévu. Ce qui est paradoxal pour nous qui devons faire en sorte que tout se passe comme prévu, tout en espérant que tout ne se passe pas comme prévu car il faut bien alimenter notre film. Bref.

Première nuit sur le camp d’altitude. Enfin au chaud dans mon duvet, presque étonné d’être là, j’entame un livre sur l’explorateur polaire Shackleton.

Je découvre qu’Ernest Shackelton avait un sens de la gestion de groupe si réputé qu’il a inspiré des théories de management. À l’autre bout du camp, les porteurs ont justement organisé un atelier de développement personnel à base de vodka. Beaucoup de vodka. C’est étonnant vu qu’on nous a fait payer le poids maximum autorisé pour le portage, au gramme près.

La complainte du glacier – Carnet de voyage de Grégoire Aussavy au Kirghizstan à découvrir dans Bouts du monde 56

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