Jacques Ducoin
Carnet de voyage - Russie

Suivre les Dolganes

Les nomades dolganes dans la péninsule de Taïmyr au nord de la Sibérie ne sont plus très nombreux. Alors que la sédentarisation a bouleversé leur communauté, eux continuent de mener leurs troupeaux de rennes où pousse le lichen, sous d’épaisses couches de neige. Le photographe Jacques Ducoin a bravé des heures de voyage inconfortable pour s’asseoir sous les baloks d’une famille d’éleveurs.

– EXTRAIT –

Avant d’atteindre la longue piste de glace qui mène au village dolgane, nous traversons la ville dans cet engin bruyant et inconfortable. Huit heures à se faire ballotter dans tous les sens, à se cogner la tête contre la carrosserie. Seules les deux places avant permettent une meilleure assise. En chemin, un minuscule village de pêcheurs qui semble abandonné et un ancien camp de prisonniers, vont rompre la monotonie. Heureusement, nous devons nous arrêter toutes les heures pour regonfler un pneu qui fuit. Nous croisons également quelques camions qui transportent des matériaux et ravitaillent les villages.

J’ai l’impression d’arriver au bout du monde dans le petit village de Novorybnoïé. Quand certains sont partis à la chasse, d’autres surveillent les troupeaux de rennes dans la toundra. Ceux qui restent se retranchent dans des baraquements, en partie enfouis sous les congères de neige. Ici, il n’y a pas l’eau courante dans les maisons, ni même de WC. Seul le générateur du village permet de fournir un peu d’électricité, quand il n’y a pas pénurie de carburant. La vie est très rude pour ses cinq cents habitants. Tous ne sont pas éleveurs de rennes, certains vivent principalement de la pêche et de la chasse. Le renne sauvage est la principale prise, mais on trouve également loups, renards, perdrix, lièvres et gloutons. Malgré le nombre de chiens traînant dans le village, peu de Dolganes utilisent les traîneaux à chiens. La plupart préfèrent se déplacer avec la motoneige. Le quart de la population est composé d’enfants scolarisés dans deux écoles. Les plus grands vont au pensionnat de Khatanga. Nous arrivons chez les Jarkov actuellement dans le village. Gamet leur achète une peau de loup tué en décembre, un des meilleurs mois pour avoir une belle fourrure.

C’est en traîneaux tirés par des bouranes, la motoneige locale, que nous nous rendons à leur campement, à deux bonnes heures d’ici. Un voyage inconfortable dans le froid et les gaz d’échappement. Dans cette immensité blanche, seuls perdus au milieu de la toundra, trois baloks nous attendent.

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