Luc-Christophe Guillerm

Luc-Christophe Guillerm

Auteur publié dans Numéro 52 Numéro 36

Au petit matin, Valparaiso, Hambourg, New York ou Alexandrie émergeaient dans un horizon ouaté et mystérieux. L’approche était toujours lente et silencieuse, comme si le bateau hésitait à quitter le vide océanique des semaines précédant tout accostage. Toujours levé très tôt ces jours-là, avant même les premières variations lumineuses du petit matin, Luc-Christophe Guillerm se souvient des incroyables odeurs de terres qui venaient par effluves, indiquant l’approche imminente de l’escale.

C’est le paradoxe de bien des marins, désirant fortement la mer tout en souhaitant tout aussi ardemment la terre après de longues journées océanes. Le marin est un être complexe, ambivalent, comme le décrit Chateaubriand, “toujours se promettant de rester au port et toujours déployant ses voiles.”

Cela fait presque 30 ans que Luc-Christophe Guillerm embarque avec les équipages de la Marine, en tant que réserviste ou passager, photographe et écrivain, à chaque fois avec l’enthousiasme de l’appareillage, à chaque fois avec cette attente de ce moment. L’indéfinissable approche d’un port et d’une terre est aux antipodes de l’arrivée aérienne classique dans un pays étranger.

Comme l’écrivait Victor Segalen, “la pleine mer est bêtasse” et “ne vaut que parce qu’elle nous conduit ailleurs.” Il avait sans doute un peu raison, mais s’il n’y avait pas cette longue attente, s’il n’y avait pas la vie d’équipage, s’il n’y avait pas la vacuité interminable des horizons, l’accostage n’aurait pas cette incroyable saveur qui fait qu’il se souvient encore de chacun d’entre eux.