Vincent Piel - Souk de Marrakech - Bouts du monde
Carnet de voyage au Maroc

Des babouches en cuir de dromadaire ?

Vincent Piel n’est pas charitable. Plutôt que prévenir ses semblables de la catastrophe à venir, il préfère moquer ces voyageurs, naïfs ou empruntés, qui vont ressortir du souk de Marrakech les bras encombrés de divers souvenirs payés bien trop cher, parce qu’il faut bien récompenser le bagout du vendeur.

– EXTRAIT –

Je ne me divertis jamais autant que lorsque j’observe des touristes se faire entourlouper sur les souks de Marrakech. On tendait vers eux un attrape-nigaud rondement ficelé. Certains s’enrôlaient à corps défendant dans une pêche aux canards revisitée : disposés en cercle, les canards avaient disparu ; c’étaient des bouteilles de coca qu’on espérait mouliner. Jackpot ! Cet hameçon-là devait avoir été noué pour des poissons rouges. Des poissons rouges – et non pas des humains – entraient dans le souk avec l’intention très saine d’exécuter une petite marche pré-dînatoire et en ressortaient avec un demi-kilo de paprika, du ghassoul, des cure-dents berbères, affublés d’une djellaba, les bras encombrés d’un immense plat à tajine et d’une théière des montagnes.

Il faut dire que les vendeurs savent y faire. Leur méthode consiste à vous retenir le plus longtemps possible en invoquant l’amitié entre les peuples. « Allez, viens ici, mon ami, disaient-ils, on n’fait pas de business ici, c’est juste pour discuter. » On attirait votre attention dans une des langues parlées du souk. Le vendeur, pour être crédible, devait absolument taper dans le mille. S’il disait « rechts, es ist ein schön hose hum? », il vous avait mal jugé : non, vous n’étiez pas bavarois, non, vous ne tomberiez pas dans le panneau. Il y aurait toujours une prochaine tentative.

Le jeu est rude, il faut tendre l’oreille et garder un œil sur les faciès. Les plus doués sont devenus les plus grands physionomistes de cette Terre. Certains s’entêtaient à vous héler « Big Chef »ou à vous proposer une tartiflette. D’autres vendeurs, en vous offrant un tabouret et du thé, vous avaient dans la poche : ils vous avaient repérés. On se faisait frotter des savons gras sur la peau ; c’était pour que les « gazelles » sentent bon, dit le vendeur aux yeux brillant d’intelligence et de commerce. Si vous renifliez trop fort, vous risquiez d’attirer son attention : il plaquait dès lors un sachet sur votre nez – manu-militari sans espoir d’en ressortir de plein gré.

Il contrôle votre libre-arbitre : voilà que vous humiez une herbe mentholée de l’Atlas jusqu’à ce qu’il décide que vous étiez guéri.

Carnet de voyage au Maroc de Vincent Piel à découvrir dans Bouts du monde 46

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