Caroline Didier - Chemin de Stevenson - Carnet de voyage
Carnet de voyage - France

Dix jours sur le chemin de Stevenson

Caroline Didier est partie à l’improviste, sac au dos, avec pour unique plan d’arpenter un sentier balisé de montagne. Au cours de l’été 2021, le long du chemin de Stevenson, elle a trouvé un ailleurs affranchi de la nécessité de partir loin. La randonneuse résume ainsi l’esprit du voyage : « Rassembler quelques affaires et quitter ses habitudes ».

– EXTRAIT –

Quitter la ville et ses rues colorées. Emprunter un passage sur les hauteurs et regarder la Vierge du Puy-en-Velay saluer les voyageurs du sommet de son rocher Corneille. Le Puy vient du latin podium, qui signifie « hauteur ». Prendre de la hauteur. Monter encore un peu plus puis découvrir une campagne qui s’éveille. Au détour du chemin, un joli corps de ferme très coquet s’offrit à mon regard. Achard, son vaillant propriétaire de 88 ans, s’affairait dans la cour. Au quotidien, il prend soin de sa bâtisse en pierre, de son jardin et de l’environnement : « Je fais tout à la force des bras, à lancienne !» s’était-il exclamé en poussant sa brouette. Son travail est rythmé par les saisons. Il repense avec nostalgie aux hivers rudes et enneigés, devenus rares, qu’il a connus dans cette région de moyenne montagne.

La marche, déjà utilisée sous une forme engagée par Gandhi, peut en outre s’inscrire en réaction à un phénomène de société. On parle beaucoup de la tendance du « slow », ralentissement où l’on privilégie l’écologie, l’économie locale, les modes de consommation directs et le tourisme durable. Pour ma part, prendre le départ d’un chemin signifiait célébrer des valeurs comme la rencontre, le sens de l’effort, du beau, la nature et me tenir à distance de la performance. Le changement de rythme produit par les longues marches fait émerger un regard différent sur ce qui nous entoure. Il permet de faire un pas de côté. Seulement alors, l’œil peut se perdre dans l’immensité de l’horizon pour revenir aux sensations élémentaires, immédiates et profondes.

« Regardez toujours en haut ! », m’avait d’ailleurs avertie un bénévole s’occupant du balisage au Puy-en-Velay. Le marcheur un peu pris dans ses rêveries est facilement induit en erreur par l’appel enchanteur des premiers abords de certains sentiers

« Regardez toujours en haut ! », m’avait d’ailleurs avertie un bénévole s’occupant du balisage au Puy-en-Velay. Le marcheur un peu pris dans ses rêveries est facilement induit en erreur par l’appel enchanteur des premiers abords de certains sentiers. En effet, dès le début du parcours, l’ancienne voie ferrée de Coubon, devenue voie verte, venait à se confondre avec le chemin de Stevenson. À l’intersection, la mise en garde du bénévole fut propice à une nouvelle rencontre où je pus constater en très peu de temps que beaucoup de personnes prenaient soin de ce chemin. Julien, retraité, était en train de ramasser du verre laissé par terre, avec son chien Winnie. Pour lui, c’est une philosophie de vie d’entretenir et de respecter le sol. Il a travaillé comme balayeur et éboueur puis, suite à un accident, à l’aménagement du territoire à Coubon. Combien sont-elles ces discrètes petites mains qui se donnent pour mission de baliser les sentiers et nettoyer leurs environs ? Les marcheurs peuvent ainsi apprécier la beauté des paysages pastoraux qu’ils traversent sans craindre de s’égarer. Au loin, j’aperçus le château de Bouzols. Il paraissait tellement éloigné. La plupart du parcours était en plein soleil. Demain, il fera encore 28 degrés.

Le soir, j’arrivai au Monastier-sur-Gazeille après 21 kilomètres. C’est une cadence moyenne que je m’étais fixé pour terminer le chemin en dix jours. Déjà, j’avais songé à laisser quelques affaires à la Poste afin d’alléger les douze kilos qui pesaient sur mon dos. Je m’étais ensuite rendue à l’évidence : l’autonomie pèse un poids qui est non négociable. Après avoir passé en revue chaque gramme, j’avais concédé qu’aucun n’était en trop. La baignade du soir me rendit de la légèreté. J’entendis juste ce qu’il fallait du flot de la rivière pour m’endormir, espérant secrètement que mes jambes iraient jusqu’au bout de ce périple.

Le carnet de voyage « Dix jours sur le chemin de Stevenson » de Caroline Didier à découvrir dans Bouts du monde 55

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