Matthieu Haag Bouts du monde 36
Carnet de voyage - Colombie

Lâche le volant, ça passe

Si Matthieu Haag croisait le ministre colombien des Transports, sans doute aurait-il deux ou trois mots à lui dire. Pour résumer, ce n’est pas hyper bien organisé, même si on finit tout de même par arriver à bon port.

– EXTRAIT –

La politique de la capitale a été transparente : vu la dangerosité de la ville, le choix a été fait au début des années 2000 de bannir l’idée d’un métro souterrain, et de cantonner la circulation des citoyens à la surface, là où il est plus aisé de maintenir leur sécurité.

L’idée même de pénétrer dans les entrailles de la terre d’un des pays les plus dangereux du monde il y a à peine vingt ans, aurait relevé du suicide. Nous découvrons donc ces réseaux de bus aériens, très efficaces, qui circulent à près de cent à l’heure dans des couloirs de circulation spécifiques, et longent les centaines de kilomètres de bouchons créés quotidiennement par les autres véhicules. L’impression de vitesse y est encore plus palpable.

Bogota, premier jour de voyage. Nous devons prendre le bus F74, celui qui nous conduira de la Candelaria à Chapinero. Un trop-plein de Colombiens est tassé au bon (?) arrêt que l’on nous a indiqué, et un bus noté F72 arrive. Quelques personnes descendent, beaucoup montent. Les gens ici sont très prévenants et un sexagénaire nous invite à suivre le mouvement. Nous nous approchons de la porte, n’osant monter. On nous a bien dit 72 et pas 74. Le signal de bus retentit avant la fermeture des portes et le numéro change simultanément, le F72 devient F74. Un pas en avant et nous entrons, que dis-je, nous nous encastrons dans l’espace restant. A côté, le métro parisien aux heures de pointe fait vide.

Pas de doute concernant les pickpockets, il est absolument impossible de bouger un bras, une main, un orteil. On veut se gratter ? On ne peut pas ! Ainsi comprimés, l’avantage est que l’on ne peut pas être déséquilibrés par les brusques et puissants freinages réguliers du chauffeur. Nous sommes tous ensemble devenus une houle, un ensemble de molécules de chair qui formons un fluide compact et homogène. Premier arrêt, poussés par les nouveaux entrants, nous gagnons quelques centimètres de plus au cœur du bus pour devenir, chemin faisant, une partie intégrante de cette lymphe.

Carnet de voyage de Matthieu Haag à découvrir dans Numéro 37

à découvrir aussi

Chivas - Colombie - Anthony Bourasseau - Bouts du monde

Les chivas des routes andines

par Anthony Bourasseau

Anthony Bourrasseau les a finalement trouvés, ces fameux « chivas », perdus au milieu des montagnes andines. A Andes, ils sont encore très nombreux à sillonner les rues et les villages alentour. Au cœur de la culture de cette petite bourgade escarpée, ces fabuleux camions colorés sont même devenus patrimoine de la ville et les habitants leur…

Colombie : mal de mer

par Matthieu Haag

Carnet de voyage Colombie. Il n’y a pas trente-six solutions pour découvrir les mangroves de Nuqui en Colombie. Depuis Buenaventura, le plus simple est d’embarquer sur un cargo chargé de bois exotique. Mais l’ambiance du port, l’allure du rafiot et le pedigree de l’équipage ne trompent personne : Matthieu Haag et sa compagne Corinne ne…