Carnet de voyage - Canada

Le cœur de l’hiver

Cinq séjours à Montréal sous la neige et le blizzard. Un tableau rêvé pour la photographe Férial. Mais là n’était pas l’essentiel. 

– EXTRAIT –

Février 2019. Je rejoins mon fils Maeldwyn au Canada. La neige souffle de New York à Montréal. J’ai traversé les rives gelées de l’Hudson, j’ai crié mon bonheur dans le mégaphone. Suis à fond, suis aphone derrière l’hygiaphone. Moins vingt-six degrés ce matin, je respire le froid sur ma peau. Le ressenti, ici, c’est pas du pipeau.

Le ciel poudre le feutre de Léonard Cohen, je suis, à nouveau, bohémienne. Comment trouver la juste distance pour se tenir chaud sans se faire mal ? Mission de l’année du hérisson sous ces températures boréales.
Montréal chante sous les réverbères embrumés, scintille de mille farfadets luciolés. La saison blanche bien entamée, voici venir les nuances évaporées. Le brouillard laiteux plane sur la ville, le mont Royal m’invite en son domicile. Les gratte-ciel badinent avec un soleil enveloppé. Auréolés, blafards derrière les colosses de brique et de verre, ses rayons font miroiter les flocons dans l’atmosphère. Les néons rouge érable des « Farine Five Roses » transpercent le ciel en feu. Le froid caresse mes joues, dépose son voile givré sur mes cheveux.

Je suis en manque de départs, d’ailleurs, je veux sentir la neige sur ma peau, le blizzard griffonner mes carnets de routarde.

Janvier 2020. Des nouvelles fraîches, venues de Chine, infiltrent les ondes infernales. Çà et là, on parle d’un virus inconnu, d’une bête immonde. Je mets de la distance, j’ai d’autres diligences. Le train-train quotidien, les études de ma fille, revoir mon fils au Québec, s’enlacer en famille. Je suis en manque de départs, d’ailleurs, je veux sentir la neige sur ma peau, le blizzard griffonner mes carnets de routarde. Les vacances d’hiver sont là, nos deux billets en poche, ma fille Lakmé à côté de moi, nous partons au Canada.

Tempête de neige mémorable sur les chapeaux, balades et glissades, bagels chauds, tatouages sur la peau. J’ai inscrit en noir sur blanc les initiales de mes marmots. Douze jours au pays des érables, ce séjour est délectable. La poudrerie dépose délicatement son voile blanc sur le château d’eau d’antan. Je suis au firmament. La maison rose garde son mystère au sommet d’une friche. Pour Noël, le sapin enguirlandé siègera, encore et encore, en haut de l’affiche. Montréal met en scène l’anachronique sur fond de scénographie iconique. Les tags bombés dépaysent ces vieux amants, mains enlacées, au parfum de naphtaline d’un temps bien démodé.

Carnet de voyage de Férial à découvrir dans Bouts du monde 60

à découvrir aussi

Matthieu Delaunay à ski tire une pulka

Echappée glacée

par Matthieu Delaunay

Beau à en pleurer, écrit Matthieu Delaunay alors qu’il traverse à ski la Basse-Côte-Nord du Québec. Dur à en pleurer aussi. À -35 °C, il vaut mieux rester à l’extérieur des abris assis sur sa luge, car le confort peut être aussi anesthésiant que le froid. – EXTRAIT – C’est toujours comme ça les voyages…

croquis de voyage canada

Terre-Neuve. La terre qui flotte

Des barques, des planches, des baraques, des planchers, des radeaux… des îles et des hommes… Le littoral de Terre-Neuve est le théâtre silencieux du resettlement – programme de réinstallation instauré par le gouvernement entre 1954 et 1975. 300 hameaux abandonnés, 30 000 personnes déplacées. Pour la plupart arrivés par la mer, les Terre-neuviens installés sur…