Namibie : l’intimité d’un peuple
– EXTRAIT –
Avez-vous déjà réfléchi à ce que serait votre plus grand rêve ? Je ne parle pas d’une belle voiture ou d’une nouvelle maison. Oubliez « Le bonheur » ou « la paix dans le monde ». Je parle d’une réponse très personnelle, voire égoïste. Cette réponse qui, si vous deviez quitter cette terre demain, vous semblerait justifier votre passage. Les hasards de la vie m’ont donné l’occasion de me poser cette question et de résumer ma réponse en trois points : rencontrer des personnes que je n’aurais jamais dû rencontrer, me retrouver dans des lieux que je n’aurais jamais dû fréquenter, me livrer à des activités que je n’aurais jamais pu imaginer. (…)
Comme tous les villages himbas, Kongonda est rond, délimité par des palissades faites de branchages enchevêtrés. A l’intérieur, le « kraal » central permet de garder les animaux pour la traite, la vaccination ou simplement de les protéger des prédateurs. A droite de l’entrée, trône la hutte du chef. Construction en bois, elle est recouverte de torchis fait d’un mélange de bouse, de sable et d’eau. Elle garantit une excellente isolation l’hiver comme l’été. Quelques arbres morts au milieu du village servent à suspendre les gamelles de cuisine et les ustensiles que l’on souhaite protéger des chèvres, moutons, vaches et poules qui partagent notre espace de vie.
La hutte tout à fait à gauche servait de cuisine et de grenier à grain avant que la petite Sakona n’y mette accidentellement le feu au mois d’avril. Ce drame vécu comme un aléa de la vie, ne lui a pas été reproché malgré l’impact évident, pendant les mois qui ont suivi, sur l’ensemble du village. La petite hutte au fond est réservée à Ryomandenda, la deuxième femme du chef. A sa droite, la hutte au toit troué est utilisée par Tjipana et son bébé. Elle a placé à l’intérieur une petite tente pour être plus à l’abri. Sur les neufs enfants du village, cinq dorment dehors.
Les Himbas de mon village ne sont pas trop touchés par l’occidentalisation et le passage des touristes. Ils sont loin d’Opuwo et ont la chance d’être préservés des visites inopinées et dégradantes que leur imposent les Occidentaux avides d’exotisme et aux manières parfois grossières. Après avoir passé ma première nuit dans la hutte qui a été construite pour moi, Waponwa m’a demandé de la filmer en train de chanter un chant traditionnel. Jeune fille très timide, elle est généralement fermée et se cache derrière ses deux nattes qui signifient qu’elle n’est pas encore une femme selon la tradition. Son sourire, sa gaieté et sa gêne sont un cadeau extraordinaire. Je suis surpris qu’elle me l’offre si tôt, alors que je prépare cette journée depuis de nombreuses semaines.
Mutambo est certainement la jeune fille la plus intelligente que j’ai pu rencontrer. Elle a attendu près de six semaines avant de me montrer qu’elle savait parler anglais. Au départ, je l’ai surprise à dire un ou deux mots. Une fois sa confiance gagnée, elle a prononcé quelques phrases jusqu’à entamer un début de discussion
© Carnet de voyage de Vincent Lemonde à découvrir dans Numéro 30
Chaque trimestre, recevez dans votre boîte aux lettres de nouveaux carnets de voyages, dans le dernier numéro de la revue Bouts du Monde