S'approcher des élépants - Bernard Decaudin - Bouts du monde
Carnet de voyage - Burkina Faso

S’approcher des éléphants

Bernard Decaudin dit qu’il voyage souvent « au bord des précipices ». En l’espèce, s’approcher des éléphants migrateurs dans la réserve de Nazinga au Burkina Faso a quelque chose de vertigineux.

– EXTRAIT –

Nous approchons de la grande mare. Tous mes sens sont en alerte. Je sens confusément des présences fugitives dans les hautes pailles qui bordent la piste. L’horizon, autour de nous, n’est plus fait que de graminées dorées qui masquent presque totalement toute la faune ; seuls quelques rares karités survivent ici. Ils ont encore leurs feuilles d’un vert tendre car leur fonctionnement est inversé : ils sont capables de photosynthétiser en période sèche ce qui fait ici le bonheur des éléphants et ailleurs des zébus. D’autres arbustes sont « pyrophytes », ils font encore plus forts : ils ont besoin du passage du feu dans la savane pour réveiller leur métabolisme et développer une superbe poussée vert fluo quand tout autour est déprimé. Ils font le régal des herbivores grands et petits…

A gauche, en bord de piste, apparaît soudain un babouin de Guinée (cynocéphale). Il me semble que c’est un grand mâle. Les femelles ont pour s’identifier et communiquer « les fesses rouges » et sont moins massives. Je descends donc du 4×4 pour m’en approcher mais très vite il disparaît dans la brousse. Ma dernière rencontre avec un babouin avait eu lieu un peu plus au sud, quand un grand mâle s’était présenté debout (c’est-à-dire à ma hauteur) à la porte de ma case. Nous nous étions toisés un temps qui m’avait paru très long, les yeux dans les yeux jusqu’au moment où d’un geste incroyablement rapide, il m’avait dérobé une mangue posée sur la table juste derrière moi. Longtemps ce souvenir m’a poursuivi, car d’un coup de patte, il aurait pu, en toute facilité, me lacérer le visage. Je ne dois mon sursis qu’à sa propre surprise et à la mienne.

Rencontre avec une femme est ses petits

Je me retourne, un peu déçu, lorsqu’une masse grise se dessine au-dessus des herbes de l’autre côté de la piste. Tout semble très vite se froisser et le sol vibrer. Je crois bien que c’est la première rencontre attendue. L’instant est très particulier. Chris est dans la voiture, elle n’a jamais approché d’éléphants en liberté, Vincent non plus (même dans son propre pays). D’ailleurs, il veut à tout prix partir. Il transpire à grosses gouttes. Je suis dans un état second. C’est de la folie d’y aller sans Sumane. Mais j’y vais. C’est une jeune femelle suitée. Elle barrit, aspire de la terre qu’elle lance en l’air furieusement.

Carnet de voyage de Bernard Decaudin à lire dans Numéro 44

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