Carnet de voyage - Émirats arabes unis

Dans le sillage des dhows

C’est par hasard que Claire & Reno Marca croisent la route d’un dhow au large de l’île de Socotora, île yéménite posée au large de la Somalie. Intrigués par l’histoire de ces navires en bois et de leurs marins, ils décident de suivre leur route le long des côtes de l’Arabie jusqu’en Inde où ils seraient construits.

(…) Dubaï est si étendue, sur plus de cinquante kilomètres, qu’on ne sait par où l’aborder – Mascate, en comparaison, paraît un village. Le plus simple étant de commencer là où le hasard nous a plantés : sur Khaleed bin al-Waleed Road, au pied de notre hôtel. Guidés par le ronflement de bateaux, un petit passage nous mène sur le bras de mer et la perspective étourdissante du Dubaï Creek. Une flotte incroyable s’y côtoie dans un va-et-vient effervescent : des sambuq transformés en restaurants flottants, des abras, esquifs plats couverts d’un toit qui portent les piétons d’une rive à l’autre pour 1 dirham (0,20 euro).

Et sur l’autre rive, une masse spectaculaire de dhows s’étire sur des centaines de mètres jusqu’au pont al-Maktoum ! Par dizaines, ils sont serrés tribord contre bâbord, proue contre poupe, ensemble compact d’étraves, de tableaux étroits, larges ou arrondis, de mâts et de coques frustes au pied des gratte-ciel sur lesquels le soleil lance un reflet doré. Les ponts des uns se confondent avec les passerelles des autres. Leurs drapeaux claquent au vent par dizaines dans une forêt d’antennes radio et de grues surgissant comme des cous de girafes au-dessus de la savane. Quelle vision fantastique ! Notre enthousiasme affaibli à Mascate se ranime soudain : comment ne trouverions-nous pas parmi eux celui qui va nous emmener en Inde ?

Nous traversons en hâte sur une abra, débarquant au milieu des montagnes de marchandises accumulées sur le quai et derrière lesquelles les boutres disparaissent presque. Des piles de cartons chancelants s’entassent, des fûts et bidons par dizaines, des ballots de toutes tailles, de l’épicerie, des téléviseurs, des voitures, des cantines métalliques, des pneus… Des hommes chargent et déchargent à tour de bras. Les visages de ces dockers et marins sont d’Afrique, d’Iran, d’Inde, marqués par l’âpreté de la vie au large. Ils parlent le farsi, l’arabe, l’urdu, le somali ou l’anglais parfois. Leurs regards sont distants, un peu durs ou même intimidants. D’autres, un peu plus propres et ventripotents, comptables ou armateurs sans doute, circulent cahier et calculatrice en main. Les marins vivent sur les ponts, leur linge étendu sur le bastingage, sans aucune intimité. Leurs dhows sont bien plus grands et massifs que le premier d’entre eux aperçu à Hadibo. Deux mille tonnes pour les plus gros (environ cinquante mètres de long) ! Ils se nomment Al Shah Murad Bukhari, Noor e-Garibi, Al Juberi et sont moins antiques que leurs coques usées ne le laissent penser.

À bord du El Hamar, un bonhomme nous invite par de grands signes. Pliant carnets et crayons sans attendre, nous grimpons la longue échelle métallique qui permet d’enjamber le bastingage. Celui-ci est large et couvert de bidons d’huile alimentaire et de fûts métalliques jaunes à l’odeur pestilentielle à destination de la Somalie. Ali est foreman (second à bord). D’une main pleine de cambouis, il nous désigne l’étage de la passerelle. Sous une bâche rattachée à la cabine de pilotage, le capitaine Abdulazag nous attend, tout sourire.

© Carnet de voyage de Claire & Reno Marca à découvrir dans Bouts du monde n°29

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