La route de monsieur Huang dans la province du Guangxi, en Chine
Carnet de voyage - Chine

La route de Monsieur Huang

Isabelle Coulon est exposée aux belles rencontres. Depuis douze ans, cette documentariste parcourt le monde pour raconter les destins hors du commun. Dans la province du Guangxi, dans le Sud de la Chine, c’est monsieur Huang, condamné par la maladie, qui capte l’attention. Avant de mourir, il veut construire une route pour désenclaver son village.

– EXTRAIT – 

Sauf accidents de la vie, la jeunesse, celle de tous les possibles, de tous les futurs, de toutes les aventures, tient mentalement sa propre mort à distance. Illusoire mais salutaire.

Quand nous avons rencontré Monsieur Huang, il était très malade, rongé d’un mal incurable qui donnait à sa vie une date limite. Son temps lui était compté. Entre deux et cinq ans avaient prononcé les médecins. Je n’ai jamais pu concevoir en le rencontrant que cela puisse être vrai. Bien sûr, je ne doutais pas de sa parole ni de celle des spécialistes. Je voyais sa volonté à faire le bien, sa fatigue, sa tristesse soudaine, son amour immense pour ses proches, son urgence de vivre. Mais ça m’était simplement inimaginable. Alors, nous vivions chaque jour près de lui, à son rythme, comme si rien ne finirait jamais.

Aujourd’hui, Monsieur Huang, comme nous l’avons toujours appelé, n’est plus. Pourtant, il reste à nos côtés. À l’aune d’un message, d’une projection, d’une parution, il ressurgit parfois comme un vieil ami qui reviendrait de voyage et frapperait à la porte sans prévenir. Monsieur Huang vit encore dans le cœur de ceux qui l’ont aimé, dans les souvenirs de ceux qui ont partagé sa route, dans la vie de son village, dans ce qu’il a accompli, dans le film que nous avons fait et les photos que nous avons prises et qui racontent son histoire.

Yuan Feng se lancerait dans la construction d’une route pour désenclaver Xiao Jiang et le sauver du même coup d’une extinction certaine. Cinq kilomètres à tracer le long d’une rivière au cœur des montagnes en pain de sucre…

En 2016, le réalisateur Jean-Michel Corillion et moi partons en Chine raconter l’histoire de Monsieur Yuan Feng Huang. Cette histoire, la voici… Près du Nord Vietnam, dans les montagnes du Guangxi, se trouve le petit village isolé de Xiao Jiang. Ce village traditionnel yao, une des cinquante-six minorités ethniques de Chine, est l’endroit où Yuan Feng a grandi, parmi sa communauté. À l’âge adulte, pour gagner leur vie, sa femme Jin Mei et lui s’éloignent de leurs parents et s’installent avec leurs deux enfants à Yongfu, la petite ville la plus proche, peuplée aujourd’hui de 280 000 habitants et qui ne cesse de s’étendre. En ville, ils trouvent du travail, s’installent confortablement, les enfants grandissent, vont à l’école puis à l’université.

Sans route ni commerce, on vit en quasi-autarcie à Xiao Jiang. La soixantaine d’habitants vit de la terre. Proches de leur communauté et de leurs traditions, Jin Mei et Yuan Feng s’étaient promis de se réinstaller à la retraite dans la maison familiale de leur village. À ce moment-là, Yuan Feng se lancerait dans la construction d’une route pour désenclaver Xiao Jiang et le sauver du même coup d’une extinction certaine. Cinq kilomètres à tracer le long d’une rivière au cœur des montagnes en pain de sucre…

À l’âge de 48 ans, la vie en décide autrement. Yuan Feng apprend qu’il est atteint d’un cancer du foie. Et malgré plusieurs opérations qu’il devra subir, il ne guérira pas. Il prend alors une décision radicale : sa route, il n’attendra pas la retraite pour la construire et décide de se lancer à corps perdu dans ce projet titanesque pour un seul homme.

Carnet de voyage d’Isabelle Coulon à découvrir dans la revue Bouts du monde Numéro 53

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