Le dernier train de Madagascar
– EXTRAIT –
« Soyez là à 7 h 45 pour un départ à 8 heures du matin » avait prévenu la femme austère du guichet de la gare de Fianarantsoa.
Après une nuit d’hôtel assez courte, nous arrivons donc à 7 h 30 par précaution. 8 h 30, le chauffeur arrive en prenant son temps, clope au bec. 9 heures, un choc brutal sur notre wagon, on espère un départ imminent. C’est en fait la locomotive, un vieux diesel de 1950 qui commence lentement à installer les wagons de marchandises. Madagascar et la relativité de l’espace-temps. Je crois que la patience n’existe même pas ici parce que la patience implique l’attente. Ici, on n’attend pas, on est juste là. Deux heures de retard pour l’unique train du pays, et pas même un signe d’agacement. Bien sûr les Malgaches ont aussi des activités, mais à la différence de nous, elles sont rarement associées à une durée ou à un horaire quelconque. Pas d’agenda, le but est l’activité en soi, sans connaître nécessairement son début et sa fin. La patience et l’attente font partie intégrante de l’activité
Les quelques Vazahas du wagon première classe ont le regard rivé sur leur montre, pendant que les Malgaches sont entassés en seconde classe avec les poules et les sacs de riz, dans un calme porté par une force tranquille, comme si rien ne pouvait les empêcher d’arriver à Manakara. Je discute de ce retard avec un Malgache qui me dit alors : « Vous, vous avez l’heure, nous, on a le temps ! » en laissant partir un éclat de rire tonitruant…
La suite du carnet de voyage de Antony Rousset est à lire dans Numéro 24.
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