carnettiste : Violette Gentilleau - Auroville - Inde - bouts du monde

Cinq histoires drôles dans Bouts du monde

1. 44 jours à Auroville – Inde

Violette Gentilleau avait un air un peu goguenard en arrivant dans la communauté de Sadhana Forest, une communauté située dans la ville internationale d’Auroville en Inde. Avec ses potes qui vivent dans des yourtes et qui élèvent des chèvres, elle en avait vu d’autres. Mais quand même pas à ce point…

5 heures 15. Un choeur à capella passe devant ma hutte. Ce sont les wake-up callers qui font le tour de la communauté tous les matins dès cinq heures pour réveiller tout le monde en douceur et en musique : « Fiiirst wake up call, good morning Sadhanaaaaaa ! ». Il fait encore nuit. Là, quand même, je me dis que je ne vais jamais tenir.

5 heures 45. Les yeux à peine ouverts, frigorifiée, je me tiens sur le grand champ derrière la main hut. On est presque tous là, en cercle, les habitués enroulés dans leurs couvertures ou des pashminas. Ma voisine de droite me prend la main, mon voisin de gauche fait pareil. Hem. On fait quoi, là ? Ah, OK, on chante des trucs de babos avec des « Father Sky » par-ci, des « Mother Earth » par là. J’ai du mal à pas rigoler. J’ai beau être bien alternative tendance fromage de chèvre artisanal et pain maison, je n’ai jamais réussi à prendre ce genre de chansons au sérieux. J’écoute et je regarde : tout le monde a l’air d’y croire à fond, même les petits étudiants débarqués de New-York pour un stage de construction et qui doivent être bien plus déphasés que moi. Non mais quand même, je me teins les cheveux au henné, je suis végétarienne, super écolo, je marche pieds nus l’été, j’ai plein de potes qui vivent dans des yourtes, qui élèvent des chèvres et des poules, je fais un potager partagé, je cuisine de la bouffe végétarienne et bio sur les festivals, je devrais avoir le niveau hippie confirmé +++ ! Mais non, rien à faire : je me paie un fou rire intérieur en imaginant la tête des copains et copines s’ils me voyaient en ce moment. Après Father Sky, tout le monde se prend dans les bras et se fait de gros câlins en se souhaitant une belle journée…

Elle immortalise « un coin de la rade » de Sydney au large de laquelle croisent un bateau vapeur et un trois-mâts ; sur les côtes, les maisons n’ont qu’un seul étage. Et elle raconte sa vie à Gagan-Buka, où la mission des pères maristes s’est installée. Ce qu’elle montre ressemble à ce qu’on voyait et lisait habituellement dans les carnets de voyage, avec une approche naturaliste, presque ethnologique d’un nouvel environnement Mais sœur Marie-Thérèse n’était pas scientifique. Juste curieuse, et désireuse de faire partager ses étonnements et découvertes. « Comme je voudrais pouvoir vous envoyer quelque chose de nos îles, aussi moi ! Mais hélas, il n’y a pas de bureau de poste à Buka ; je collectionne pourtant, lorsque j’aurai assez de choses intéressantes, je prendrai des renseignements pour les expédier », écrit-elle dans une lettre à sa mère en réponse à un colis qui lui est parvenu quelques mois auparavant. »  Lire plus …

Carnet de voyage de Violette Gentilleau à découvrir dans Numéro 15

2. Vodka Ouzbékistan tour 

Vincent et son copain Florian ont-ils été piégés par leur rêve ? L’idée de regagner l’Europe, depuis Pékin, en traversant l’Asie centrale à pied, ressemble à ces défis que l’on se lance sans trop réfléchir. Les deux aventuriers manqueront d’eau au Xinjiang, au Kirghizstan ou dans le Pamir. Nous les rejoignons alors qu’ils s’apprêtent à franchir, après sept semaines de marche, la frontière entre le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. De quoi étancher sa soif. Le pays, où la vodka coule à flot, semble ivre mort un soir sur deux. Trop hospitalier pour rester sobre.

18 septembre, Lac Iskander. Il va falloir quitter les lieux. Et assez rapidement. Je ne me souviens pas vraiment comment s’est terminée la fête mais le regard des habitants des autres bungalows ne me dit rien qui vaille. Il y a une flaque de vomi dans la chambre qu’occupe Flo, des trous dans les murs de la mienne, Farulo ronfle encore dans la pièce d’en face, le nez dans une boîte de sardines à moitié vide et la main serrée sur un couteau planté dans la table. « Flo ! Flo ! Réveille-toi, je crois qu’il faut qu’on parte… et vite… ». Flo émerge, se frotte le visage, il grimace en maugréant : « Espèce d’enculé… et lui aussi, le Farulo… quel gros enculé… il m’a fait chier toute la nuit avec sa vodka… et vas-y que j’te serre dans mes bras, et vas-y que je te resserve un verre… et vas-y que j’ouvre une autre bouteille, merde, j’ai dégueulé partout… mais toi ? T’étais où putain ? – Je sais pas… je me souviens pas… ».

J’ai un trou noir béant d’une bonne dizaine d’heures, un énorme mal de crâne, je sens la sardine et les gens du coin me regardent comme si j’étais le diable en personne, je pense que c’est largement suffisant pour étayer ma conclusion : il faut qu’on disparaisse, et vite. Nous rendons les clefs à la réception, précisant qu’il y a encore une personne qui dort dans le bungalow sous les désapprobations chuchotées d’un groupe de touristes anglophones que j’ai dû rencontrer la veille. Nous quittons le camp en abandonnant lâchement notre compère. Je m’en veux un peu mais Flo considère que ce n’est que juste revanche ; quoi qu’il en soit, nous sommes d’accord sur un point : il est préférable que nous soyons loin quand le monstre se réveillera. Le plus sage est encore de tenter de retourner à Douchan­be dès aujourd’hui, en tentant de faire du stop malgré notre drôle de parfum sardine-vodka, de cuver notre vin et d’aviser la suite des événements demain, à tête reposée. Le calme de cette petite capitale a aussi du bon, rien de tel qu’un peu d’en­nui pour soigner une bonne gueule de bois.  Lire plus …

Carnet de voyage de Vincent Robin et Florian Molenda à découvrir dans Numéro 15

3.  Le mécano voyageur 

Le carnet de voyage de Cédric Mané a commencé au fond du jardin d’un pavillon de Vendée, à boire des bières et à fumer des clopes. Cela faisait déjà plusieurs mois que le jour du grand départ était retardé. Cette-fois, il ne manquait plus que le moteur. Il s’était laissé convaincre par Amar, une sorte d’antihéros jovial et débrouilleur, de convoyer des vieilles Peugeot ou Mercedes en Afrique. Avec son boulot de journaliste, il y avait bien là de quoi tourner un documentaire…

En guise de personnage principal, il y avait donc Amar, un type d’une petite quarantaine d’années qui avait l’habitude de prendre, une fois par an, la direction du Sénégal et du Mali aux manettes de convoi de vieilles bagnoles. Un genre d’anti héros, né en Kabylie et vivant en France, genre assez secret mais quand même bon vivant. J’avais pu récolter en route les récits de quelques une des ces aventures : ces premiers voyages étaient passés par l’Algérie pour rejoindre le Tchad et le Niger.

(…)

Le premier voyage n’a pas duré très longtemps. Un mois après le départ, je déboulai à l’aéroport de Dakar, direction Paris, vidé de tout, lesté d’une simple valise de cinquante centimètres de côté remplie de la couverture écossaise qui ne m’avait pas quitté du voyage, de deux ou trois cadeaux tarifés que les Wolofs et les Peuls auront fini par me fourguer, de cigarettes bon marché, de l’enregistreur audio et d’un carnet. Qu’importe, le mini-disc bien qu’hésitant m’avait permis d’immortaliser quelques sons. Le carnet de notes était rempli d’une prose banale, hésitante, aux histoires sans doute mille fois entendues et racontées avant moi par d’autres mais ce n’était pas important : elles étaient fraîches et ce qui me rendait solaire, c’est que ces notes foireuses étaient les miennes, j’avais découvert l’écriture, je pouvais ainsi raconter des histoires et constater que cette activité savait me procurer une euphorie rare. En voici un extrait : « La 504 roule étonnement bien. Je demande à Amar si cela a une chance de durer sans me soucier de la réponse. Il déroule une liste exhaustive de ce qui va sans doute lâcher : boîte de vitesse hésitante, alternateur mal en point, portière en équilibre précaire… Et il termine : L’important, c’est d’avoir de l’eau et de l’huile. Si tu as ça, tu roules toujours. Tu surveilles bien le tableau de bord, si ça clignote tu t’arrêtes tout de suite. Je demande alors, naïf : Ah et il fonctionne le tableau de bord ? » Silence, il ne sait pas.

La panne, elle arrive forcément, il y a toujours un pilote pour oublier de regarder les voyants, et voilà, la tuile. Tant mieux ! C’est l’occasion d’une leçon de mécanique improvisée sur un parking au milieu de rien, peut-être même dans le froid et sous la pluie. Joie ! Le plus fou, c’est qu’il n’a quasiment aucun outil, et ceux dont il dispose ne servent à rien. « Amar, il sait réparer un radiateur avec les dents » me dira un jour un converti. Je confirme : une autre fois, il a repéré une panne en écoutant le ronflement du moteur malade au téléphone… N’empêche qu’il avait l’art d’esquiver les questions. À mon inquiétude sur le fonctionnement du tableau de bord qui a surtout l’aspect d’une guirlande, il répond en riant tel un diable : « Tiens, bois une bière. De toute façon elle ira mieux dès qu’on sera en Afrique. C’est l’Afrique qui veut ça ! »  Lire plus …

Carnet de voyage de Cédric Mané et  La Touche à découvrir dans Numéro 11

4.  Taxi Inch’allah – Égypte

Dans leur genre « totalement foutraque », comme dit Nicolas Marmin, les taxis du Caire sont assez flamboyants. Au milieu de la circulation chaotique de la capitale égyptienne, il a préféré abandonner sa bicyclette, avec laquelle il avait entrepris d’aller jusqu’au Japon, pour un taxi. Plus sûr. Encore que…

Il y a des voitures jaunes toutes neuves, qui ne font pas la majorité. C’est une question de hasard, il faut tomber sur le bon numéro, inch’Allah. Si bien qu’on ne sait jamais à l’avance si ça le fera. Un jour on va monter dans un taxi, persuadés qu’il s’agit du fiacre le plus pourri du monde, et le lendemain on s’étonnera d’avoir trouvé encore pire : sièges troués, portières coincées, le moteur pétaradant aux pieds nus d’un conducteur plus inquiet que nous. Sans parler des freins. Notre survie dépend du klaxon, le seul à très bien fonctionner. Pas de compteur non plus, ici ça roule à la négoce, véritable pourparler qui dure le temps de la course. À défaut de parler arabe, on tend un bout de papier sur lequel on a griffonné une adresse, que notre chauffeur fait mine de connaître, avant d’interpeller le premier collègue apparemment dans le même pétrin. On finit par choisir les taxis, en quête du taximan d’élite, noble mercenaire, celui qui a Le Caire dans le sang. Il arrive de tomber sur des conducteurs presque HS, soit parce qu’ils conduisent depuis plusieurs jours pour rembourser quelqu’un – en Égypte on vit au jour le jour –, soit parce qu’ils ont forcé sur le kif, et qu’ils lanent à quinze milles, les yeux écarlates et le sourire joyeux. Certains acceptent même de passer le volant, profitant d’un ultime répit. Mais là encore mieux vaut être Égyptien.  Lire plus …

Carnet de voyage à découvrir dans Numéro 8

5. Le goulage ? Au bout du quai ! – Russie

Nous arrivons à Naouchki, poste frontière russe avec la Mongolie. Le train stoppe. La douane monte. Un coup d’œil à nos amis mongols : sereins ! La douanière-chef est déjà inquiétante : talons hauts et chignon haut, veste et mini-jupe d’uniforme une taille trop petite, vociférante, elle fait un peu penser à une kapo caricaturale de films de série « C ». Elle se montrera à la hauteur…

Nous lui rendons le formulaire de déclaration de devises qu’on nous a remis. Sachant qu’il est strictement interdit de sortir les roubles du pays, nous n’en avons plus. Nous avouons détenir 100 dollars US, ce qui est très au-dessous des 5000 autorisés à l’import-export. Stupeur ! On nous hurle de descendre du train. Refus. On nous en expulse manu militari. A peine le temps de prendre nos sacs qui découvrent ainsi 1000 briquets, 5000 cigarettes et 200 sachets de pruneaux d’Agen « Maître Prunille » (sic !), sous l’œil indifférent des douaniers qui nous surveillent.

(…)

On nous installe dans le hall minable de la gare. Nous y voyons arriver les autres naïfs qui ont déclaré posséder des devises. Puis on se fait confisquer nos passeports. J’en entends qui disent : « Fallait pas vous laisser faire, résister… ». Quand ces choses-là sont demandées par 3 brutes en uniforme, avec mitraillette en sautoir, à 6000 km de ton ambassade, tu oublies tes réflexes soixante-huitards.

Quatre Français, deux Belges, Trois Espagnols, quatorze Hollandais, un Canadien, quatre Allemands…et pas un Mongol ! Il fait nuit maintenant. Dans un mauvais anglais, une petite dame en civil nous fait comprendre que si nous changeons nos dollars en roubles nous pourrons remonter dans le train dès ce soir.   Lire plus

Carnet de voyage de Gilles Gamot  à découvrir dans Numéro 2