Yves Marchand et Romain Meffre_22

Cinq histoires mystérieuses dans Bouts du monde

1. La cité perdue du Kalahari – Afrique du sud

Bouts du monde Afrique du Sud

Depuis 1885, l’histoire de la cité perdue du Kalahari intrigue des générations d’explorateurs. Certains rejetèrent dans les brumes du mythe ce qu’ils ne parvenaient pas à trouver dans les sables du désert. Penché deux années durant sur les cartes de l’Afrique australe, plongé dans les récits conservés à la Bibliothèque nationale, Thomas Desbrières est parti sur les traces d’un explorateur qui tient plus du héros de roman que de l’archéologue.

« C’est une légende ! » Les mots de la propriétaire des terres de Koppieskraal répondent amicalement à mes questions insistantes sur la « cité perdue ». Aussitôt remontent en moi les rumeurs et nombreuses histoires qui circulent depuis un siècle dans cette région du Kalahari. Comme ce ranger sud-africain déclarant avoir vu une carrière de pierre, ou encore une pirogue abandonnée depuis des siècles dans le désert. Des témoignages toujours imprécis et flous rapportés par des sources non vérifiées racontent à qui veut l’entendre les derniers vestiges d’une civilisation inconnue qui aurait prospéré en Afrique australe.

(…)

En 1885, Farini et son fils Lulu sont parmi les premiers Occidentaux à se lancer dans la traversée du Kalahari alors inconnu. Un voyage aventureux, typique de ce xixe siècle des grands explorateurs, et si fécond en découvertes archéologiques de civilisations oubliées. Farini avoue partir pour découvrir des diamants comme on vient tout juste d’en trouver près de Kimberley, mais son récit devient très vite une description mêlant vie quotidienne, observation géographique et témoignage ethnographique. Au cours de son retour vers la ville de Upington, Farini rapporte alors la découverte de ce qui allait devenir la cité perdue du Kalahari.  Lire plus

Carnet de voyage de Thomas Desbrières à découvrir dans Numéro 10

2. L’île Cuirassée – Japon

Bouts du monde Japon L’ÎLE CUIRASSéE

Romain Meffre et Yves Marchand sont fascinés par les édifices laissés à l’abandon et les villes fantômes. Leurs voyages les mènent souvent sur les traces de ruines contemporaines. En 2008 et en 2012, ils ont accosté l’île de Gunkanjima, au sud du Japon, sur laquelle a poussé une ville minière vidée de tous ses habitants en 1974.

Le bateau file déjà droit sur l’île. Nous débarquons tranquillement, la mer est d’huile et une fois passé la digue en béton, on ne discerne même pas son clapot. L’île est parfaitement silencieuse, pas effrayante, pratiquement apaisante. Nous commençons à errer dans les allées désertes et les escaliers étroits, certaines pièces ont comme été soufflées, il n’en reste rien, mais d’autres sont préservées comme si les habitants les avaient quittées il y a quelques semaines.

Peu à peu, les objets abandonnés nous laissent imaginer les familles nombreuses dans les petits appartements, les cuisines et les laveries communes, les rues et les diverticules bondés, les écoliers sur leurs petits pupitres, les mineurs faisant les 3×8 et se lavant dans les bains après une journée au fond, les dentistes, les bars. Nous mettons en place notre trépied de bois et la chambre et nous prenons image après image dans une intense cadence. Et déjà Baba San nous attend de l’autre côté de la digue. Nous embarquons et nous filons droit vers le port et regardons la ville s’abstraire jusqu’à redevenir une bloc brumeux et terne, une vague silhouette, un navire… un cuirassé… Gunkanjima.   Lire plus

Carnet de voyage de Romain Meffre et Yves Marchand  à découvrir dans Numéro 22

3. L’alcool de singe – Thaïlande

La Thaïlande n’a laissé aucun répit à Karen Guillorel, emportée par un tourbillon de sensations les plus diverses. Fallait-il qu’elle écoute les histoires de Louis, rencontré au bar de sa guest-house, qui tour à tour pouvaient susciter l’émerveillement ou le chagrin ? La croirez-vous si elle vous dit qu’elle a atterri chez les Karen, par hasard ? Et qu’est-ce que c’est que cette histoire d’alcool de singe ?

Dans la ruelle principale qui constitue le Vieux Marché, les gens ont peu de place pour se mouvoir. Chacune des boutiques ou gargotes est pareille à des alvéoles, des loges où s’entassent dans les lueurs diffuses les chairs vivantes et mortes, animales, végétales, les viandes fraîches et sèches en grappes, les fruits de mer en couleur dans les sachets, les fruits secs gros comme des melons en papillotes, le transparent des plastiques, le tout suspendu, ou jonchant le sol, ou les deux. Arrivée dans une enclave aux lueurs incertaines, mon regard s’est accroché à une guirlande de fruits à carapaces de tortue. J’en ai perdu le souffle. J’ai inspiré de tous mes poumons. J’ai senti venir le brutal excès d’oxygène, mais j’ai vacillé et la terre a tourné deux fois autour de moi. Le cœur battant, j’ai regardé à nouveau les grappes écailleuses et je me suis soudain demandé en quoi j’allais me transformer. Les yeux humides, il a fallu – et c’était une telle urgence – partir, me hisser jusqu’à la sortie du marché.

Allez ! Et je me suis retrouvée dans l’artère principale du quartier chinois, face à un empire vertical de néons rouges et bleus et jaunes. Je cligne des yeux en regardant le ciel noir. Il fait nuit ; les voitures et les scooters foncent sur la route luisante devant moi. Je regarde les gens, hagarde : les gens sur les trottoirs savent où aller.

Mon regard s’attarde sur un policier thaïlandais qui s’échine sur un haut-parleur à invoquer un peu de circulation. Engoncé dans un uniforme moulant et kaki, le flic a le dos maintenu dans des épaulières métalliques de footballer américain et exhibe un visage hautain et très sûr ; mais cela n’empêche pas les voitures de foncer, tandis qu’il répète inlassablement ses ordres de circulation ; soudain las, il baisse son haut-parleur. Puis il le reprend et y psalmodie une chanson d’amour, comme ça, durant dix secondes. Au même moment, l’un de ces petits bus verts passe devant moi, et j’ai le temps de voir le baiser amoureux d’un homme et d’une femme installés à la fenêtre. La chanson, le baiser… Brutale poésie dans cet environnement urbain et brutal. J’en reste saisie, m’appuie sur un lampadaire, ouvre mon cœur à l’enchantement.  Lire plus

 Carnet de voyage de Karen Guillorel à découvrir dans Numéro 38

4. Sur le dos des crocos Indonésie 

Bouts du monde 38 Indonésie

Des histoires de magie noire, de crocodiles géants et d’empoisonnement inciteraient un voyageur raisonnable à rebrousser chemin. Fred Lamiral, au contraire, a déplié la carte au nord de Sumatra pour se confronter aux croyances et aux mystères.

Nous n’avions plus guère le choix : il ne nous restait plus qu’à nous rendre à Sibigo. Mais en ville, notre projet plongea les gens dans la consternation. Yus avait un oncle lointain à Sinabang, Adi, un homme antipathique qui se fichait bien de la visite de cet encombrant « neveu ». Il prit toutefois le temps de nous expliquer pourquoi nous ne devions pas aller à Sibigo : les chamanes-sorciers de ce village isolé avaient en eux une puissance démoniaque qui leur conférait certaines facultés surnaturelles mais qui exigeait en contrepartie d’être alimentée par des sacrifices humains réguliers, faute de quoi le porteur finissait par être lui-même « dévoré » par le mal. Les cadavres des initiés qui mouraient de cette façon pouvaient même errer pendant plusieurs jours dans la jungle, avant de s’écrouler une bonne fois pour toutes. Quoi que l’on pense de ces histoires, rappela Adi, les sorciers, eux, y croyaient ! Et leur arme favorite étant le poison, la menace était bien réelle. D’ailleurs, il ne s’écoulait jamais plus de quelques mois sans que l’on signale un cas d’empoisonnement… Sorciers, crocodiles, zombies, le tout sur fond de jungle : j’avais vraiment trouvé le terrain de jeux idéal ! Lire plus

Carnet de voyage de Fred Lamiral et Guillaume Lecouteux à découvrir dans Numéro 38

5. Clipperton, l’île mystérieuse – Pacifique

Tête d’épingle perdue dans l’immensité du Pacifique, Clipperton est une île française bien mystérieuse. Le reporter Stéphane Dugast s’y est rendu à trois reprises en 2001, en 2003 et plus récemment au printemps 2015. Des expériences forcément intenses tant l’île de la Passion – son nom de baptême – symbolise l’insularité absolue et subit les assauts de l’océan. Ce qui n’empêche pas l’Etat de s’intéresser au plus haut point à ce confetti de la République, royaume des crabes, des oiseaux marins et des rats.

Chez les marins, Clipperton est une escale mythique. Rare et prisée. À chaque passage d’un bâtiment gris à proximité, les militaires ne manquent jamais l’occasion de hisser haut les couleurs sur ce bout de France. Attribuée définitivement en 1931 à la France au détriment du Mexique, l’île de Clipperton reçoit fréquemment des marins français à compter de décembre 1934.

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Les vestiges de la seule occupation française m’inspirent. Près 35 ans plus tard, tout est resté à l’abandon. Citerne d’eau bringuebalante. Toitures et murs des baraquements arrachés par les vents violents. Seules restent les fondations. Les vestiges du riche passé de l’île s’effacent peu à peu. L’après-midi s’écoule tranquillement sous une chaleur de plomb de plus en plus insupportable.  Lire plus

Carnet de voyage de Stéphane Dugast à découvrir dans Numéro 27